La crise en Libye a jeté sur les routes près de 500 mille civils qui attendent la concrétisation des accords obtenus des discussions entamées à Genève sous l'égide des Nations unies pour rentrer chez eux. En effet, 454 000 déplacés ont été recensés par le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) au début de l'année 2015, soit 8% de la population du pays chassé de chez elle des suites des combats entre factions armées. Les déplacements sont survenus vers Benghazi, Derna, ainsi qu'à proximité du golfe de Syrte, à Ben Jawad et Ras Lanouf. Beaucou ont du fuir pour la quatrième ou la cinquième fois, ce qui rend difficile d'estimer leur nombre. Toutefois pour la seule ville de Benghazi, le conseil local rapporte que près de 90 000 personnes seraient dans l'incapacité de rentrer chez elles. Près de la capitale du pays, à l'ouest de Tripoli, des ONG et le conseil local estiment que plus de 83 000 personnes vivent dans des camps, des écoles ou des bâtiments abandonnés. Beaucoup ne peuvent pas accéder à des soins ou à l'éducation pour leurs enfants. Au sud ouest de la Libye, les personnes déplacées originaires de la ville d'Awbari sont confrontées à des difficultés dans leur vie quotidienne car les services ont été gravement perturbés par les combats entre groupes tibiaux rivaux. De plus, la Libye accueille près de 37 00 réfugiés et demandeurs d'asile de différentes nationalités dont les conditions humaines sont de plus en plus précaires, selon le HCR. Des témoignages affirment que la prise en charge des ces réfugiés dépend du secteur dans le quel ils se retrouvent. En effet, depuis cet été et l'avènement de deux gouvernements qui se déclarent tous deux légitimes dont l'un reconnu par la communauté internationale, la situation des déplacés est devenue un enjeu politique que se disputent les deux pouvoirs en place en Libye. Situation confirmée par Virginie Collobier, Chercheuse spécialisée dans les transformations sociales de la Libye post-Maamar El-Gueddafi. "Il s'agit de montrer que l'on fait mieu que l'autre", a-t-elle souligné. Les témoins, cités par la presse, affirment que le pouvoir en place à Tripoli, dirigé par Omar El Hassi qui est soutenu par le Congrès national, dominé par les frères musulmans, et par "Fajr Libya" (Ndlr : regroupement de brigades principalement issues de la ville de Misrata qui contrôlent la moitié ouest du pays), offre un hébergement dans un ancien complexe touristique de luxe avec toutes les commodités outre la nourriture et les vêtements qui sont offerts gratuitement. De l'autre côté, les moyens sont inexistants car les déplacés sont originaires de tribus ou de villes considérées comme "kaddafistes" et donc délaissées voire discriminées. En ce sens, le président de l'association Al-Saber, Mabrouk Eswissi, qui œuvre dans le camp de Tawargha, sur la route de l'aéroport, a affirmé à la presse qu'il n'a reçu aucune aide depuis une année. Et le peu que lui fournissait le Haut Commissariat aux réfugiés se fait encore plus rare. Depuis les combats de l'été dernier, les agences de l'ONU et des ONG opèrent depuis la Tunisie. "Nous sommes limités par le manque d'accès au pays et le manque de fonds", a déclaré à la presse, le porte-parole du HCR Fern Tilakamonkul. L'ONU avait lancé en octobre 2014 un appel de fonds de 29.3 millions d'euros pour la Libye et n'en a récolté que 3.2 millions d'euros. Des pourparlers politiques entamés à Genève L'aboutissement des pourparlers politiques inter-libyens qui ont débuté mercredi 14 janvier et s'étaient poursuivies jeudi 15 à Genève, sous l'égide des Nations unies, dépend de la décision que prendra la faction armée "Fajr Libya" (coalition de groupes armés) qui doit faire savoir dimanche dans la journée si elle entend rejoindre le groupe de Genève ou non. Après deux jours de discussions "constructives", les protagonistes du conflit armé en Libye sont tombés d'accord pour mettre fin aux hostilités et former un gouvernement d'union nationale, dans le but de sortir ce pays du chaos politique et sécuritaire dans lequel il s'est enfoncé depuis fin 2011. Après des semaines de report, Bernardino Leon, représentant de l'ONU a finalement pu organiser ces discussions à Genève, en Suisse, faute d'avoir pu trouver une ville libyenne où les différentes factions accepteraient de se retrouver. "Il s'agit d'une occasion que les Libyens ne peuvent pas se permettre de manquer. Il n'y a pas d'alternative au dialogue", avait alors déclaré la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini. Deux des principales factions, celle du général Khalifa Haftar qui a lancé en mai 2014 une offensive pour chasser les islamistes de la ville de Cyrénaïque (Est) et "Fajr Libya" (Aube libyenne) n'y ont pas participé. Incapable de désarmer les brigades d'ex-rebelles, le pays dispose aujourd'hui de deux Parlements, l'un islamiste à Tripoli, l'autre reconnu par la communauté internationale, à Tobrouk, à la frontière égyptienne. L'absence d'Etat central profite aux milices formées d'anciens rebelles qui contrôlent aujourd'hui Tripoli, et en partie Benghazi. Des membres de l'organisation autoproclamée "Etat islamique" (aussi appelée Daech) se seraient imposés à Derna (Est), ancien fief du (Groupe islamique en Libye, une faction disparue).