Alors que les protestations se multiplient dans plusieurs wilayas du Sud, l'expert pétrolier, Francis Perrin, prône la poursuite des études d'exploration du gaz de schiste lancées par Sonatrach. Le but est d'évaluer les réserves réelles de cette énergie non conventionnelle. «La phase d'exploration est très importante et doit se terminer pour évaluer le potentiel de cette ressource», a-t-il souligné hier au forum de Liberté. «Le gaz de schiste est une richesse que l'Algérie ne peut négliger suite à la crise pétrolière», a-t-il déclaré, ajoutant que «les forages d'exploration sont nécessaires pour maîtriser la technique». L'expert a estimé, en outre, que les risques attribués à l'exploitation du gaz de schiste sont «souvent excessifs», alors que l'industrie pétrolière dispose de moyens lui permettant de maîtriser ces risques pour peu que les mesures adéquates soient prises. M. Perrin, qui est également président de la société Stratégie et politiques énergétiques (SPE), une société qui édite cinq publications énergétiques, dont Pétrole et Gaz arabes (PGA), estime qu'«il faut regarder les réalités d'aujourd'hui et pas celles des années 2000 car beaucoup de choses ont progressé depuis». Il explique que les risques de polluer les nappes phréatiques relèvent plutôt d'un non-respect des normes assurant l'intégrité des forages. «Le forage d'un puits, qui n'est pas effectué dans les règles, représente un danger pour l'environnement», relève-t-il. M. Perrin rappelle, à ce titre, que la fracturation hydraulique, qui suscite des appréhensions, «est utilisée depuis plusieurs décennies par les compagnies pétrolières sans, pour autant, provoquer des controverses jusqu'à ce que l'on parle tout récemment du gaz de schiste». «Les législations environnementales sur l'eau et les déchets miniers permettent déjà d'encadrer l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste», a indiqué l'expert, «mais il faut bien superviser l'activité pour éviter les dangers», poursuit-il. M. Perrin a plaidé à ce sujet pour un large débat national avec toutes les parties concernées pour prendre des décisions sur de bonnes bases. «L'Etat doit ouvrir le dialogue pour préserver sa souveraineté nationale.» Abordant les chances pour l'Algérie de trouver des débouchés pour son gaz de schiste si elle venait à l'exploiter, M. Perrin prédit que le pays «a, à l'avenir, les moyens d'affronter une concurrence très vive avec l'émergence de nouveaux pays producteurs et exportateurs de gaz». Théorie du complot Au sujet de la chute des prix du pétrole qui fait couler beaucoup d'encre ces temps-ci, l'expert est longuement revenu sur les causes et les conséquences de cette crise. Il a fait savoir que le facteur dominant lié à cette baisse des prix est l'offre abondante du pétrole. «La production pétrolière a augmenté en 2014 et a créé un excédent mondial, car plusieurs pays se sont lancés dans l'exploitation du pétrole non conventionnel, notamment les Etats-Unis, le Canada et le Brésil», a expliqué M. Perrin. L'intervenant ne souscrit pas à la théorie du complot, en vogue à Moscou, selon laquelle l'Arabie saoudite et les Etats-Unis se seraient entendus pour faire baisser les cours dans le but d'affaiblir leurs adversaires iranien et russe. «Même si l'Arabie saoudite ne se plaindra pas de cet effet géopolitique de la chute du baril, toujours est-il qu'une baisse durable des recettes pétrolières pourrait fragiliser plusieurs Etats membres de l'Opep dont les budgets ont été construits avec un baril autour de 100 dollars. L'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Qatar et le Koweït ont accumulé suffisamment de réserves de change et de capitaux dans leurs fonds souverains pour surmonter un creux.» Interrogé sur ses prévisions pour l'année 2015, M. Perrin s'est montré pessimiste. « Les prix demeureront au même niveau car des pays vont continuer l'exploration du pétrole non conventionnel et ils lanceront même de nouveaux projets dans ce sens», a-t-il indiqué. Pour enrayer la chute des cours, l'Opep ne dispose que d'«une seule arme, abaisser son plafond de production».