Attention ! Des produits «frelatés» circulent en ce moment chez nos disquaires. Il s'agit de mauvais remix venant bafouer la tradition des grandes chansons populaires.Fait de société ou dérive sonore, les remix (ou arrangements musicaux) inondent actuellement les bacs de nos disquaires. Réalisés en studio avec des techniques d'édition audio, destinés en général aux DJ pour les discothèques, les remix sont généralement des versions dansantes de genres musicaux qui parfois, notons-le, se prêtent très mal à de telles transformations. Ainsi, les oscillographes, les boîtes à rythmes viennent polluer, de plus en plus, notre environnement sonore. Les versions dansantes des grands tubes de la chanson algérienne s'éloignent, ainsi, allègrement des chansons originales. En effet, l'ajout de parties instrumentales agressives et le rythme répétitif parfois entêtant dénaturent largement ces purs chefs-d'œuvre. Il en va ainsi, par exemple, d'un opus consacré dernièrement au grand barde chaoui, Aïssa Merzougui dit Djermouni (1886-1946) dont la voix légendaire est reprise en arrière fond. Exit le son pur de la gasba et la voix claire d'El Harkati, les mauvaises fréquences et la double intensité rendent inintelligibles les paroles du grand poète. L'ossature des chansons est certes conservée mais les nombreux ajouts notamment les samples qui ne suivent pas toujours le tempo, les aigus sont parfois trop graves, les basses trop basses et les échos du plus mauvais effet. Jusque-là, il nous était vraiment impossible de croire que de si belles chansons originales et géniales, comme Eker en-nouguir, Matebkiche ya Djamila, Salef dhaberkane, Aïn El Kerma, Ma tgoulou dhelou ou encore Khelini Nhoum, puissent devenir aussi fades. L'introduction de certaines chansons est parfois méconnaissable, l'ordre des parties est souvent chamboulé. On aura beau nous opposer, ici, l'expression du «chacun ses goûts», il n'en reste pas moins que ces «arrangements» revêtent souvent l'allure d'un détournement du sens et de l'essence même de la production artistique et musicale. De notre point de vue, ces remix viennent détruire ce qui reste d'authentique de la tradition. Au-delà de la question récurrente des droits d'auteur en Algérie, doit-on légiférer maintenant pour empêcher de telles altérations ? La question est posée.