«Le lit d'oued s'est enfoncé de près de 4 m en 20 ans et cela risque de continuer au rythme des extractions actuelles.» C'est la conclusion d'un géologue qui a observé l'évolution de ce cours d'eau, qui fournit 60% des besoins en eau de la wilaya et qui est menacé par deux phénomènes : la pollution et l'assèchement. Après plus de deux décennies de laisser-aller, le cas de l'Oued Sébaou est de nouveau posé par ses possibles répercussions sur la santé du citoyen et l'approvisionnement en eau des ménages. Les risques de pollution de ce réservoir naturel, qui fait office de pourvoyeur stratégique en ressources hydriques depuis l'indépendance, sont encore une fois mis sur le tapis avec l'acharnement quasi quotidien mis pour décaper la mince couche de sable qui sert de filtre naturel à l'eau qui alimente la nappe phréatique située en dessous du lit d'oued. Les conséquences sont annoncées comme dramatiques : l'eau perd de sa pureté et les traitements faits au niveau des réservoirs, à coup de quintaux de chlore, n'auront qu'un effet secondaire sur la qualité de la ressource, les berges de l'oued s'effondrent de manière cyclique en absence de programmes de retenue des sols (très friables) et, enfin, des dizaines d'ouvrages d'art, des ponts en majorité, risquent d'être «déchaussés», selon la formule consacrée, et devenir inutilisables, à l'image de l'ancien «pont de Bougie» , qui a été détruit par la furie des eaux en 2005, ses fondations dénudées ayant cédé. Des solutions ? Malgré les alertes, venues tant des élus (cas de ceux de l'ex-APW à majorité FFS) que des associations et enfin des riverains de l'oued, des solutions de bricolage ont été apportées. En 1997, les membres de l'APW de Tizi Ouzou (majoritaires à l'époque) avaient mené une véritable guerre contre la maffia du sable et le «livre noir» de la dégradation de l'oued avait donné une place de choix aux ponts et autres ouvrages menacés de destruction par l'extraction effrénée, pour ne pas dire impunie, du sable pour alimenter le véritable «boom» immobilier que connaissait la wilaya à l'époque. Même si l'exploitation politicienne du dossier avait pris, à l'époque, le dessus sur une véritable mobilisation des élus en faveur de la sauvegarde de l'oued Sébaou, il n'en demeure pas moins que l'alerte avait été donnée et des solutions devaient être apportées. Elles le furent, en effet, mais leurs effets étaient limités : les concessions accordées aux propriétaires des sablières ont vu leur validité ramenée à une année, renouvelable ! Le marché du travail étant rachitique dans la région, l'Oued Sébaou est devenu, peu à peu, le plus grand employeur de la wilaya, avec les centaines de jeunes sans emploi qui y ont trouvé un débouché à leur statut de chômeur. Depuis, ni les sablières, qui ont continué à activer ni les jeunes «sasseurs» de sable n'ont cessé de creuser le lit d'oued, notamment avec l'explosion des prix de ce produit devenu subitement un filon qui rapporte gros. Il est interdit de se faire prendre ! Le dilemme était en effet cornélien : fallait-il mettre fin à cette exploitation du sable en «osant» affronter le courroux des jeunes et laisser des centaines de chantiers de construction sous la coupe des «barons du sable» qui n'auraient pas hésité à exploser le prix d'une remorque face à l'aubaine qui se serait présentée. Un modelage purement administratif fut apporté : «Il n'est pas interdit d'exploiter le sable mais il est interdit de se faire prendre.» Autrement dit, la solution, ou ce qui devait être la solution, déplaçait le règlement en aval : les barrages routiers, notamment ceux de la Gendarmerie nationale, filtrent et contrôlent. Tout camion non muni du bon d'achat est saisi et le chauffeur poursuivi en justice. La main, lourde de cette dernière s'est abattue non pas sur la proie mais sur l'ombre : le trafic de sable n'a pas connu un tel «âge d'or», malgré les barrages routiers, l'insécurité aidant, ce sont des chantiers des wilayas comme Alger, Blida et Boumerdès qui sont alimentés à partir de l'Oued Sébaou. Dans le milieu de ceux qui y activent, il est question de bons trafiqués, de passages achetés et de «nababs» aux relations «verticales et horizontales» qui leur permettent d'activer avec une aisance totale, intouchables qu'ils sont. Ils n'en ont cure des problèmes de pollution, d'atteinte à l'environnement et restent insensibles aux cris des agriculteurs dont les parcelles de terre situées sur les berges de l'oued sont, chaque année, grignotées par la furie des eaux à chaque hiver pluvieux, période où le volume des eaux augmente de manière dangereuse. L'agriculture, dont l'essentiel est constitué en EAC et en EAI, est le premier grand perdant dans l'affaire, suivi du secteur des travaux publics qui voit ses équipements (ponts et routes) menacés par le silence qui entoure le massacre de lOued Sébaou. Et avec le dérèglement climatique qui y a lui aussi mis du sien, tous les scénarios sont possibles. A commencer par celui d'une catastrophe sanitaire à l'approche des grandes chaleurs !