En plein cœur de Constantine, sur le pont de Bab El Kantara enjambant le Rhumel qui serpente 700 m plus bas, les yeux brillants d'ardeur et de détermination des éléments de la protection civile compensent l'absence du soleil en ce lundi 16 mars. Ces hommes appartenant au Groupe de reconnaissance et d'intervention en milieu périlleux (GRIMP) se sont vus confier la tâche de redonner toute leur splendeur aux berges du Rhumel et aux parois rocheuses abruptes qui le ceignent depuis la nuit des temps. Vaste et audacieuse entreprise s'il en est, à quelques jours de l'ouverture du grand évènement "Constantine, capitale 2015 de la culture arabe". Il est 9 heures du matin. Le groupe prépare ses baudriers, ses cordes et ses multiples équipements. Dans quelques minutes, les éléments du GRIMP vont prendre d'assaut les gorges du Rhumel. L'objectif : redonner à ce site captivant, chargé d'histoire, son lustre d'antan. Prés de 80 éléments et 72.000 litres d'eau en réserve Rue Larbi Ben M'hidi, une artère communément appelée Trik Djedida, à hauteur de l'ascenseur menant à la passerelle suspendue Mellah-Slimane, le lieutenant Abdelkedous Tammar, chef du service des interventions à la direction de la Protection civile et chef de l'opération de nettoiement des berges du Rhumel, apporte les ultimes retouches du plan d'action et donne les dernières consignes. Au second jour de cette opération d'envergure, pas moins de 72 éléments de la protection civile sont présents. "Huit (8) officiers, quatre (4) sous-officiers, quarante quatre (44) agents de la protection civile et seize (16) éléments du GRIMP sont mobilisés sur les sites de Bab El Kantara et de Mellah- Slimane", indique à l'APS le lieutenant Tammar. En matière de moyens matériels, la direction de la Protection civile a mis en place quatre (4) camions- citernes totalisant 72.000 litres d'eau, deux (2) véhicules d'intervention et quatre (4) autres pour le commandement et communication. 9 h 30, l'ordre donné aux hommes du GRIMP d'entamer la descente signe le coup d'envoi de la phase concrète de l'opération. Casqués, "armés" de gants d'assurage et d'une panoplie d'équipements de sécurité, les grimpeurs descendent le long de la paroi du pont de Bab El Kantara. La manœuvre est très risquée, mais le lieutenant Abderrahim Boulkechra, du GRIMP, affirme que l'endroit est "familier" pour l'équipe chargée de repêcher du Rhumel les victimes d'accidents. En parallèle, une deuxième équipe de la protection civile emprunte les escaliers du côté de la rue Tatache-Belkacem, pour rejoindre leurs collègues sous le pont Bab El Kantara. Le site est difficile d'accès, les amas de déchets, la végétation sauvage et la pluie qui s'est abattue ces derniers jours sur la ville rendent les lieux glissants et très risqués. "S'adapter aux situations, assurer la sécurité des membres de l'équipe et mener à bien notre mission sont l'essence de notre intervention", souligne le lieutenant Azzouz Hanouf. On atteint, essoufflés, le site à une cinquantaine de mètres au dessous du pont. A l'assaut de tonnes de détritus Des tuyaux d'incendie sont déployés depuis les camions-citernes stationnés en haut, rue Larbi Ben M'hidi. Limitant le périmètre d'intervention à la corde de la ligne de vie (dispositif de sécurité utilisé en escalade), à coup des dizaines de milliers de litres d'eau, et de la forte pression, les soldats du feu viennent à bout, petit à petit, des saletés qui enlaidissent ce caillou géant, témoin de l'histoire aussi glorieuse que mouvementée de l'antique Cirta. "Entre les sites de Bab El Kantara et de Mellah-Slimane, 80.000 litres d'eau ont été déversées sur les rochers, au premier jour de l'intervention" précise le sergent Mohamed-Adnane Benchbouchoub qui souligne "l'apport déterminant de la sensibilisation des citoyens à la propreté d'un site unique en son genre". 18.000 litres d'eau ont été consommés dans ce site depuis la matinée, signale le lieutenant Hanouf qui affirme aussi que l'opération nécessite "de la volonté, beaucoup de travail et infiniment de patience". A peine le site nettoyé, les éléments du GRIMP reçoivent l'ordre d'entamer le lavage d'un site en contrebas. Supervisant depuis son poste de commandement les opérations lancées simultanément à Mellah-Slimane et à Bab El Kantara, le lieutenant Tammar précisé que depuis la demande du wali de Constantine de nettoiement des berges du Rhumel, "des sorties pour reconnaissance ont été effectuées et des vidéos tournées sur l'ensemble du site ciblé pour préparer le plan d'intervention". Ce plan subdivise l'opération en trois secteurs, celui inaccessible au commun des mortels, réservé aux éléments du GRIMP, un second difficilement accessible que d'autres éléments de la protection civile prennent en charge et le dernier, accessible, où les travailleurs de la commune de Constantine, appuyés par ceux d'une entreprise spécialisée en travaux hydrauliques et de plusieurs autres sapeurs-pompiers, sont à pied d'œuvre. 14 h 30. Le soleil fait une timide apparition au moment où les premiers grimpeurs rejoignent le pont de Bab El Kantara. Le lieutenant Tammar entame, de suite, un débriefing. Les éléments présents dressent le bilan de la journée. Le vieux Rocher "courbé" par l'âge semble retrouver peu à peu son éclat en cette deuxième journée de grand toilettage."Pourvu que le site soit maintenant préservé et laissé propre", souhaitent des voix qui s'élèvent parmi les dizaines de curieux amassés sur le pont de Bab El Kantara. A 15 h précises, le commandant de l'opération annonce le levé du dispositif. Le temps de récupérer leur matériel, les soldats du feu repartent, fourbus mais "le cœur léger d'avoir bien travaillé", souligne Hamza, un des éléments du groupe. La mission continuera demain et les jours suivants, "avec la même détermination", souligne le jeune grimpeur en rejoignant ses collègues pour un repos bien mérité.