Malgré l'arsenal de lois interdisant les sachets en plastique non conformes à la réglementation, particulièrement le sachet noir considéré comme étant le plus dangereux pour la santé de l'homme de par son degré de toxicité, on continue à les utiliser comme si de rien n'était. Destinés initialement à couvrir les besoins de collecte et de transport des déchets ménagers et des collectivités locales, les sachets noirs se sont transformés en emballage incontournable des produits de large consommation. L'utilisation et la surconsommation du sachet en plastique sont devenues un vrai fléau national pour les atteintes à l'environnement et la dégradation du cadre de vie qui s'en est suivi. Cet état de fait a été engendré par le développement de l'industrie du plastique. Le développement de cette industrie a induit la prolifération d'unités de fabrication de plastique en vue de son utilisation dans l'agriculture et l'alimentaire. Ainsi, au niveau des marchés de la wilaya de Aïn Defla, des épiceries, boulangeries, boucheries, pâtisseries et autres commerces de volaille, les produits sont emballés dans des sachets noirs souvent en contact direct avec le produit acheté (sardine, poulet, pain etc.). Ce sont, dans la plupart des cas, les clients qui, par inconscience car n'évaluant pas le risque qu'ils encourent, réclament cet emballage pour «cacher» leurs achats. Un réflexe et une habitude qui risquent d'être fatals pour l'utilisateur. La norme et l'habitude «Il n'y a pas que le sachet noir qui est toxique», signale M. S. Bounebab, directeur de l'environnement de la wilaya de Aïn Defla qui précise que tous les sachets en plastique – et qu'importe leur couleur – qui ne répondent pas aux normes de fabrication fixées par la réglementation sont interdits à la commercialisation. Ce responsable indique, par ailleurs, qu'aucun fabricant de sachets en plastique n'est connu ni recensé à travers la wilaya. M. Bounebab explique que la fabrication de ce produit ne nécessite pas de gros moyens : «Il suffit de disposer d'une broyeuse et d'une façonneuse que l'on peut installer dans 4 m2.» On apprendra également que ces sachets sont fabriqués à partir de plastique récupéré au niveau des décharges publiques puis recyclé, sans que le transformateur ne prenne le soin de l'aseptiser. Sur le terrain, on constatera toute une chaîne d'intervenants dans le recyclage du plastique. Il y a d'abord ces enfants qui, pour quelques dinars, ramassent les bouteilles en plastique, les bassines, les bouts de tuyaux, les sandales usées, les cagettes d'emballage, et ceux qui récupèrent le plastique au niveau des décharges publiques qu'ils revendent aux petits collecteurs. Ces derniers livrent ces déchets aux grossistes qui refusent de dévoiler la réelle destination du plastique récupéré. «Il y a des gens de Blida qui viennent enlever notre marchandise», nous dit un grossiste qui fait semblant d'ignorer le nom de l'acquéreur. «Moi, je ne demande aucune pièce d'identité, l'essentiel est que le client pèse la marchandise et me donne mon dû», rétorque-t-il à notre question. Il y a aussi ceux qui commercialisent ces sachets. Des grossistes qui sont parfois interceptés au niveau des barrages de la Gendarmerie nationale et les petits revendeurs qui s'approvisionnent à Blida, Koléa ou Khemis Miliana et qui transportent le produit par bus dans des sacs de voyage. Pourquoi le sachet noir est-il dangereux pour la santé humaine ? Des analyses effectuées dans les laboratoires spécialisés, le laboratoire d'assistance à la qualité (Eurl LAQ) en Algérie et le laboratoire de l'Ecole supérieure d'Europe Fresnius Id Stein en Allemagne ont décelé une forte présence de plomb et d'autres métaux tels que le cuivre et le cobalt dans les sacs en plastique de couleur noire et de l'arsenic dans les sachets de congélation transparents. Le lien entre les toxines détectées dans les sacs plastiques non conformes et leur impact sur la santé humaine est complexe vu le nombre de facteurs, comme l'exposition à la chaleur, l'interaction des polluants, la sensibilité individuelle, etc. Ces toxines s'accumulent au niveau de l'organisme et provoquent à court et long termes des effets toxiques affectant le système nerveux, les fonctions rénales, hépatiques ou respiratoires. D'un autre côté, le sachet en plastique en fin de vie se retrouve dans la nature ou dans les décharges où il contribue par sa combustion à la pollution de l'atmosphère. En outre, du fait qu'il n'est pas biodégradable et difficilement récupérable, il contribue à la dégradation du paysage et des réseaux d'assainissement des eaux usées et d'évacuation des eaux pluviales comme il peut être nocif et parfois mortel pour les ruminants qui l'ingurgitent. «Le plastique empoisonne les sols et asphyxie les plantes», affirme un fellah en nous montrant les milliers de sachets transportés par le vent, qui ont fini par s'accrocher aux branches d'arbustes. «Le sachet noir étouffe la plante», précise ce fellah. Une tâche impossible ? Est considéré comme produit ne répondant pas aux normes le sac en plastique qui n'est pas fabriqué exclusivement à partir de matière première vierge de polyéthylène non recyclée, non régénérée, non déclassée et destinée à la production de film pour contact alimentaire dans les limites de migration spécifique. Le sachet conforme, quant à lui, devra porter la raison sociale, l'adresse et les coordonnées du fabricant, le numéro du lot et la date de fabrication, le logo du fabricant et enfin le sigle de l'alimentarité. C'est sur cette base que l'on peut différencier le produit autorisé de celui qui est interdit à la commercialisation. A cet effet, la commission de wilaya de lutte contre les sacs en plastique non conformes a saisi, dans sa première sortie dans la daïra d'El Abadia, 27 675 sachets trouvés chez des commerçants d'alimentation générale, une boucherie et une boulangerie, alors que la Gendarmerie nationale en a saisi au niveau de ses différents barrages 261 482 unités. En plus des dispositions des décrets exécutifs (04-199 du 19 juillet 2004 et 04-210 du 28 juillet 2004) définissant les modalités des caractéristiques techniques des emballages destinés à contenir des produits alimentaires ou des objets destinés à être manipulés par les enfants, la wilaya de Aïn Defla s'est dotée d'un décret, 822 daté du 5 août 2008, interdisant formellement la commercialisation et l'utilisation des sachets non conformes pour l'emballage des produits alimentaires, viandes, poissons, pâtisseries, fruits et légumes. Ce décret somme les autorités concernées à veiller à l'application de ce texte. Malgré toutes les campagnes de sensibilisation à travers la presse écrite et audiovisuelle, le citoyen a une part de responsabilité en continuant à utiliser ces sachets, particulièrement le sachet noir. «Le citoyen doit faire en sorte que le sachet utilisé soit directement mis dans sa poubelle pour être ensuite incinéré», nous dit un cadre de la direction de l'environnement de la wilaya de Aïn Defla.