Les allégeances entre les organisations terroristes témoignent, souvent, d'alliances pas forcément à caractère idéologique, mais expliquées par des intérêts personnels provoquant souvent des dissidences et des désaccords comme ceux enregistrés dans la guerre de partage des «butins de guerre». Le récent communiqué, publié au nom de l'organisation dite El Mourabitoune dirigée par Mokhtar Belmokhtar, alias Khaled Abou El Abbès, annonçant l'allégeance de cette organisation terroriste à l'organisation criminelle dite Etat islamique ou Daech et le démenti apporté à cette annonce par Belmokhtar, fait partie de la série de ce qui peut être appelée «la guerre d'allégeances». Pour rappel, mercredi, un communiqué signé «Adnane Abou Walid Al Sahraoui» présenté comme étant émir d'El Mourabitoune faisait état de l'allégeance de cette organisation à Abou Bakr El Baghdadi, chef de Daech. Dans un autre communiqué, Mokhtar Belmokhtar chef du mouvement «les signataires par le sang» et cofondateur de l'organisation El Mourabitoune, a démenti l'allégeance de ce dernier à l'Etat islamique, dans une déclaration parvenue vendredi dernier au média mauritanien Al Akhbar et rapportée également par le site américain spécialisé Site. Quarante-huit heures plus tard, Belmokhtar est sorti de son silence observé depuis quelques mois contre ce communiqué qu'il a considéré comme une «violation» des règlements et textes régissant le groupe El Mourabitoune, car, a-t-il dit, ce communiqué n'émane pas du Conseil de la choura (sorte de conseil de concertation), l'instance dirigeante d'El Mourabitoune. Ce conseil devra émettre un contre-communiqué après des concertations internes, a promis Belmokhtar qui a renouvelé son allégeance à Aymane El Zawahiri chef d'Al Qaïda, mouvement rival de l'Etat islamique. Le scénario vécu par Khaled Abou El Abbès a déjà été vécu par le groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC, devenu Al Qaïda au Maghreb islamique) quand l'actuel émir national de cette organisation terroriste, Abdelmalek Droukdel, alias Abou Mossaâb Abdelouadoud, a décidé, de façon unilatérale, de déclarer allégeance à l'organisation d'Oussama Ben Laden. C'est, d'ailleurs, l'une des raisons pour lesquelles Abdelkader Benmessaoud, alias Mossaâb Abou Daoud, l'un des émirs du GSPC, s'est rendu aux services de sécurité il y a quelques années. Cette allégeance, annoncée en 2007 par Abou Mossaâb Abdelouadoud, a été dénoncée par Abou Mossaâb Abou Daoud qui a noté que lui et d'autres membres du madjliss echoura du GSPC avaient quitté cette instance interne du groupe salafiste pour la prédication et le combat. Abou Mossaâb Abdelouadoud avait, rappelle-t-on, décidé, sans l'aval du madjliss echoura de l'organisation terroriste qu'il dirige, de faire allégeance à Al Qaïda. Cette allégeance non avalisée par madjliss echoura (sorte de conseil consultatif) du GSPC, avait divisé le GSPC. Touati Athmane, un autre membre du madjliss echoura du GSPC, «ex-mufti» et «juge» de cette organisation, qui avait rejoint le maquis en 1993 et avait, avec Hassan Hattab et d'autres terroristes du Groupe islamique armé (GIA), créé en 1996 le GSPC, avait, lui également été contre cette allégeance, entrant en désaccord avec l'actuel émir national d'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Le même scénario semble s'imposer cette fois à Khaled Abou El Abbès puisqu'un de ses acolytes à El Mourabitoune a décidé, sans son accord, d'annoncer l'allégeance à Daech. Il faudrait, éventuellement, s'attendre à un «éclatement» de El Mourabitoune entre partisans et opposants à l'allégeance à Daech.
Impossible réconciliation entre «émirs» La guerre de leadership, d'intérêt et d'allégeance a toujours existé entre les émirs d'organisations terroristes. Les chefs d'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et ceux du Mouvement pour l'unicité et le jodla en Afrique de l'ouest (Maroc) ne savent plus à quel émir se vouer. Panique, dissidences et guerre de leadership minent les deux organisations terroristes, en particulier avec la mort, en 2012, de l'«émir» adjoint d'Aimée et de son compagnon dans un «accident de voiture» à 200 km de Gabon, ville du nord du Mali. Il s'agit de Nina Abou Alabama, dont le décès a été enregistré, selon un site proche du Maroc, lors d'un «accident de voiture». L'émir adjoint d'Aimée pour le Sahara conduisait le véhicule en compagnie d'un autre individu lorsque l'accident a eu lieu, selon la même source. La panique s'est emparée des «émirs» d'Aimée et du Maroc avec la circulation d'informations selon lesquelles ce sont des explosifs placés sous le véhicule de Nina Abou Alabama et son accompagnateur qui seraient la cause des décès. Les émirs d'Aimée, version Maroc, craignent chacun de connaître le même sort et que les choses leur échappent. Une guerre de leadership avait eu lieu entre différents émirs, dont Mokhtar Belmokhtar et Abdelhamid Abou Zeid, avant l'élimination de ce dernier, au nord du Mali, par les armées française et tchadienne, pour le remplacement de Nina Abou Alabama, ancien membre du Groupe islamique armé (GIA) et du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC, devenu Aqmi), qui était le chef des deux émirs ennemis. Nina Abou Alabama était le chef de plusieurs phalanges d'Aimée, dont la phalange El Moulatamoune (les encagoulés), une phalange dirigée par Mokhtar Belmokhtar et la phalange Tarek Ibn Ziad dirigée par Abdelhamid Abou Zeid. C'est d'ailleurs pour réconcilier différents émirs, dont Mokhtar Belmokhtar et Abdelhamid Abou Zeid, que l'«émir» national d'Aimée, Abdelmalek Droukdel, alias Abou Mossaâb Abdelouadoud, avait dépêché un émissaire au Sahel, en la personne de Necib Tayeb, alias Abderrahmane Abou Ishak Essoufi, chef de la «commission juridique», «membre du conseil des notables» d'Aimée qui, rappelle-t-on, a été arrêté le 15 août 2012 par les forces spéciales de l'Armée nationale populaire (ANP) à Berriane, dans la wilaya de Ghardaïa, en compagnie de deux autres terroristes se trouvant tous les trois à bord d'un véhicule de type 4x4. Le désaccord existait également entre Abou Mossaâb Abdelouadoud et Khaled Abou El Abbès, avant même l'annonce de l'allégeance du GSPC à Al Qaïda pour créer Aqmi. Abou Mossaâb Abdelouadoud cherchait à écarter de la «katibate Tarek Ibn Ziyad», Khaled Abou El Abbès proche de Hassan Hattab, alias Abou Haydara, ennemi juré de l'actuel émir national d'Al Qaïda au Maghreb islamique. Ce dernier cherchait à prendre le contrôle de katibate Tarek Ibn Ziyad, une phalange qui se chargeait d'enlèvement d'étrangers avec demande de rançon. Abou Mossaâb Abdelouadoud tenait à être le seul à accéder à cet argent. C'est dans ce cadre que Abou Mossaâb Abdelouadoud avait dépêché Abdelhamid Abou Zeid au Sahara pour le remplacement de Khaled Abou El Abbès à la tête de katibate Tarek Ibn Ziyad créée par Amari Saïfi dit «El Para».