La détresse des vaincus a ceci d'utile qu'elle impose la sérénité, plus difficile à trouver dans la folie du rêve et l'euphorie de la victoire. L'Equipe nationale vient de perdre le match qu'il ne fallait pas perdre, et dans la foulée, s'adjuger le très peu glorieux «titre» du premier… à dire adieu à la compétition africaine. Bien sûr, nous n'allons pas réinventer le football et ses lois, celles du jeu et celles de la périphérie. La règle est tacite mais impitoyable, voire sacrée : maintenant que l'échec est consommé, tout le monde a raison, sauf Wahid Halilodzic. Ce n'est pas seulement pour prendre ses devants qu'une fois entendu le coup de sifflet final du cauchemardesque Algérie-Togo, il est resté de longues minutes les yeux hagards et les épaules en offrande à la furie de supporters désillusionnés, alors que dans leurs bottes, les joueurs étaient déjà au vestiaire. On le savait caractériel et pas vraiment irréprochable techniquement, mais personne ne pouvait douter de sa sincérité. Y compris quand il dit que la question de son avenir avec les Verts était un détail insignifiant dans l'immense chantier qu'est le football algérien. Et si par «football algérien», il entendait seulement la sélection nationale, ce sera à son corps défendant qu'il aura eu l'extra-lucidité de parler de l'essentiel à un moment si dur pour lui. Mais on ne va pas lui faire l'injure de croire cela. Son poste et l'obligation de réserve qu'elle implique ne pouvaient pas empêcher l'allusion aux questions de fond. Trop entier pour se dérober, trop intelligent pour mettre les pieds dans le plat. Sans doute aurait-il aimé dire les choses avec plus de netteté, sans doute aurait-il choisi pour le faire un autre moment et un autre endroit que l'estrade d'un point de presse dans la foulée d'un naufrage sur une pelouse sud-africaine, mais il savait les limites de sa mission. Encore plus les limites des moyens – en termes de joueurs surtout – dont il allait disposer. Depuis qu'on l'a contraint à errer sur les stades de France et de Navarre pour «convaincre» des joueurs de dernière zone de venir cacher l'incurie du foot national, il savait. Mais tout intelligent et lucide qu'il est, le Franco-Bosnien n'est pas à l'abri de l'illusion. Une qualification, plutôt facile que brillante à la Coupe d'Afrique, poussera la chimère jusqu'au bout. Il suffisait de se rappeler avec quelle nonchalance on a balayé les appréhensions des rares voix qui ont évoqué la défaite de cette sélection dans son plus sérieux test pour s'en rendre compte. Face à un Mali pourtant en exil forcé, les Verts ont perdu sans même combattre. Et pendant que Wahid se faisait une idée, d'autres se faisaient une raison. Celle de la petite ambition qui sauve le moment et remet aux calendes grecques les projets d'envergure, sans cesse évoqués sans jamais être entamés. Déjà se profile un autre arbre qui va encore cacher la forêt pour quelques années : le «problème» est qu'on peut encore se qualifier pour la Coupe du monde ! Et… vogue la galère. C'est en terre sud-africaine que s'est terminée une factice épopée. C'est aussi en ces contrées que se dessine un énième leurre à faire vivre aux Algériens dans un spectacle d'ombres chinoises. Qu'on ne s'y méprenne pas, il est plus facile d'ourdir un Omdourman que d'emprunter les sentiers de la grande ambition. Il est vrai que même Omdourman ne se refait pas au pied levé, mais il y a toujours moyen. En y mettant les… moyens, qui ne manquent décidément jamais pour la petite «entreprise». Hallilodzic est certes sincère quand il minimise l'importance de son avenir à la tête de la sélection nationale, mais il sait aussi que ça ne dépendra que de lui pour continuer l'aventure. Dans tous les sens du terme. Il fait partie du «dispositif» et on a pris le soin de le lui dire, le «plan B» de l'illusion étant déjà prêt. Le reste attendra, bien entendu. Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.