Ni révélations fracassantes, ni le moindre aveu. Abdelmoumène Khelifa a dérouté son monde. Juge, avocats et partie civile l'ont entendu trois jours durant sans parvenir à lui arracher la moindre confession ou reconnaissance des crimes et délits pour lesquels il est poursuivi. Le procès de Khalifa Bank se poursuit au tribunal criminel de Blida. L'audition du principal accusé s'est achevée hier, durant laquelle Khelifa est resté imperturbable, toujours sur la défensive et habilement accroché à sa logique de tout nier. A travers cette même audition, l'ex-golden boy a eu peut-être le mérite de dédramatiser son affaire, un scandale financier des plus retentissants qui a secoué le pays au début des années 2000. On n'est plus désormais dans l'atmosphère d'antan où cette affaire avait provoqué une sorte d'onde de choc nationale et dont le moindre détail faisait couler beaucoup d'encre dans les colonnes des journaux. Autres temps, autres mœurs ! Le procès Khalifa s'apparente aujourd'hui à un quelconque procès où la justice est sollicitée pour traiter des affaires d'atteinte à l'économie nationale. L'audition de l'ex-magnat confirme ce constat. Le concerné est, pour rappel, poursuivi pour escroquerie, association de malfaiteurs, vol qualifié, faux et usage de faux en écritures bancaires, abus de confiance, trafic d'influence, corruption, détournement de fonds et banqueroute frauduleuse. Mais de ce chapelet de griefs, Khalifa n'a reconnu durant son audition qu'une toute simple effraction juridique liée au retard pris dans le changement de statut de sa banque après la démission de son ex-PDG Kaci Ali. Quant au reste, s'expliquant devant le juge Antar Menouar, il a juré par tous les saints qu'aucune personne ne récupérait des sacs noirs bourrés d'argent à partir des différentes agences de Khalifa Bank. Il a même nié l'existence d'un trou financier de l'ordre de 3,2 milliards de dinars qui a été découvert par la Banque d'Algérie en 2003, comme cela est mentionné dans l'arrêt de renvoi de la chambre d'accusation. Il a nié également avoir distribué gratuitement des billets d'avion et offert certains privilèges à ceux qui l'ont assisté durant ses moments de gloire avant qu'il ne se retrouve, des années après, derrière les barreaux. Hier encore, le même Khelifa, toujours détendu, a aussi nié avoir obtenu le registre du commerce de sa banque avant même sa constitution. Selon ses dires, il a reçu une autorisation provisoire de constitution de la banque d'une durée d'une année. «Khalifa a entamé ses activités dans la légalité et le respect des procédures bancaires en vigueur», dira l'ex-golden boy au juge Antar Menouar qui venait de lui signifier qu'il aurait obtenu son registre du commerce avant d'achever la procédure inhérente à la constitution de la banque, et ce, dans le seul but de récupérer la partie du capital déposé. Khalifa ne l'entend pas de cette oreille et persiste à dire qu'il n'a jamais enfreint la réglementation en vigueur.
Tous les OPGI avaient des fonds à Khalifa Bank Durant la journée d'hier, les défenseurs de Abdelmoumène Khelifa, Mes Merouane Boumedhouda et Nasserdine Lezzar, ont interrogé à décharge leur mandant sur le financement de sa banque, les bénéfices de sa compagnie aérienne Khalifa Airways et les facilités de caisse dont il avait bénéficié de la Banque de développement local (BDL) de Staouéli. Abdelmoumène Khelifa a affirmé n'avoir bénéficié d'aucun financement autre que les revenus de ses trois sociétés de fabrication et de commercialisation de médicaments (KRG), dont une domiciliée en France, aux rentes «importantes et suffisantes» à même de financer une banque, selon ses propos. Les commissions bancaires de Khalifa Bank permettaient une rente qui s'élevait à «plus de 5 milliards DA/jour» et les bénéfices de Khalifa Airways étaient «plus importants», a-t-il dit, tout en niant avoir usé des fonds de la compagnie aérienne pour un usage personnel. Les facilités de caisse dont il a bénéficié étaient une procédure «ordinaire» pour toutes les entreprises commerciales en bonne santé, a expliqué le détenu qui a relevé que le retrait des facilités peut être en espèces pour peu que le bénéficiaire en justifie l'usage auprès du fisc. L'accusé a encore relevé que «tous les OPGI ont déposé des fonds dans sa banque et pas seulement les OPGI dont les responsables sont incriminés dans cette affaire». La défense de Abdelmoumène Khelifa a présenté au juge les actes notariés de la villa et du local de son mandant, expliquant que les caractéristiques des deux bâtisses ne sont pas les mêmes que celles considérées comme «falsifiées» dans l'affaire en cours. Par la suite, le procureur général, représentant du ministère public Mohamed Zarg Erras, a interrogé Khelifa sur le choix du nom de sa banque «Al Khalifa», et lui a demandé si cela n'était pas pour «tromper sur ses origines et faciliter l'escroquerie», car, a-t-il dit, l'article «AL» «n'est pas d'usage chez nous, mais plutôt dans les pays du Golfe». L'accusé a à peine eu le temps de rétorquer sur la relation entre le nom et l'escroquerie que le président du tribunal intervient pour un point d'ordre, rappelant au procureur général qu'il avait le droit de poser des questions, mais «sans commentaires ni insinuations». Interpellé par sa défense sur son «exil» en 2003, l'accusé a expliqué que s'il était dans son intention de fuir, il l'aurait fait au début en emportant avec lui tout l'argent de sa banque. «Je voulais investir en Algérie, je n'avais ni biens immobiliers ni comptes bancaires en France ou aux Etats-Unis d'Amérique», a-t-il précisé.