La pauvre victime a beau jurer avoir été agressée par les deux frangins, ces derniers l'ont formellement bloquée en assurant à la juge qu'il avait chuté. Deux frères inculpés de coups et blessures présentent un tableau inédit en matière de défense. Selon le cadet des deux frangins, la victime avait entendu des «choses» autour de la future belle-famille. «La veille de la cérémonie du henné, il y a eu un vif échange de mots. Nous l'avons bousculé. Il est tombé. Nous l'avions aidé à se relever. Nous lui avons acheté des médicaments de premiers soins. Nous nous sommes non seulement inquiétés de son état mais encore nous l'avions assisté matériellement et je...» «ça va, ça va. L'essentiel est de rester dans le délit. Ce que le tribunal veut c'est la clarté», interrompt la présidente avant d'assister à un torrent de vocabulaire où chaque partie donnait la version qui l'arrangeait. Il y avait même eu de phrases hors contexte, hors sujet. Le tribunal allait se fâcher. La juge Ouhida va à l'assaut des déclarations contradictoires. «Il y deux mois, vous aviez déclaré avoir été agressé au couteau. Ce mercredi, vous me dites avoir été battu par les deux frères, aux poings ! Où est la vérité ? Le tribunal cherche à savoir ce qui s'est réellement passé. La liberté des gens est en jeu. J'attends !», fulmine-t-elle. La victime qui porte le maillot du WA Boufarik a les mains derrière le dos et maintient les déclarations de ce jour. «Il est vrai qu'au milieu de ce flots de mots, la rancune, l'envie, la jalousie, l'incapacité d'écouter l'autre, le tribunal veut absolument la vérité car il s'agit d'une victime qui s'accroche à la branche justice et qu'il s'agit d'autre part de la liberté des gens !», balance la magistrate qui savait qu'il sera difficile d'avoir le dessus sur ces déclarations totalement contradictoires. Ghezali Abderahmane, le procureur, cherche à mieux savoir comment a chuté la victime. «Dès qu'il nous a vus, mon frère et moi, il a reculé, a trébuché et chuté. Nous ne l'avons même pas touché», dit l'autre qui a précisé que l'incident s'est passé vers 21h30 en mars 2009. Le représentant du ministère public sent la cachotterie. «Il est impossible que quelqu'un en position debout chute seul et obtient une cessation de travail de sept jours», commente l'avocat de la victime qui demande au tribunal la requalification de l'infraction en délit. «Il y a usage de violence», a dit le défenseur. Pour les inculpés, Me Sid Ahmed, plus que motivé, reprend toutes les déclarations. Il exhibe le certificat médical où il est stipulé une chute, pas de coups.«Mes clients n'ont jamais levé la main sur lui», a ajouté l'avocat qui a demandé la relaxe, même au bénéfice du doute.