Le roi Mohammed VI a choisi, pour la première fois, de passer ses vacances d´hiver en Turquie, boudant à contrecœur les stations de ski françaises où il effectuait traditionnellement ses plus longs séjours à l´étranger. La décision du roi du Maroc de ne pas se rendre dans l´une de ses belles résidences où il passait le plus gros de son temps en France est un indice de plus qui renseigne sur le malaise qui persiste depuis le mois de février 2014 dans les relations entre Paris et Rabat. Le mandat d´amener du chef de la DGST A l´origine, un mandat d´amener du patron de la DGST marocaine, Abdelatif Hammouchi, qu´un magistrat d´instruction voulait entendre sur sa présumée responsabilité dans une affaire de tortures. Sept policiers se sont présentés à la résidence de l´ambassadeur du Maroc à Paris où il se trouvait, pour lui remettre la convocation du juge qui agissait sur plainte de deux ressortissants marocains et d´un Sahraoui. L´ami du roi Mohammed VI abrège sur-le-champ sa visite de travail dans la capitale française qui entrait dans le cadre de la coopération entre Paris et Rabat contre le terrorisme. L´affaire ne restera pas là. Voyant que ses pressions politiques visant à bloquer cette procédure judiciaire n´aboutissaient pas, le souverain marocain vient d´ordonner, il y a quelques jours, à ses services secrets, de ne plus apporter leur collaboration au gouvernement français dans la chasse aux djihadistes sur le sol français, dont un grand nombre sont des Marocains ou des Français d´origine marocaine. La mesure paralyse de fait les brigades de police tripartites mises en place entre Paris, Madrid et Rabat pour lutter contre les activités de terrorisme, le crime organisé et l´immigration clandestine. Les experts espagnols de la lutte antiterroriste sont perplexes : «C´est une décision très grave qui va encourager les activités des recruteurs des candidats au djihad pour l´Irak et la Syrie», estiment-ils. Les Marocains se sont voulus aussitôt rassurants envers les Espagnols. «La collaboration contre le terrorisme continuera avec l´Espagne !» Sitôt dit sitôt fait. Des agents secrets marocains en opération en Espagne Des membres des services secrets marocains sont associés le lendemain même aux opérations anti-djihadistes menées en territoire espagnol. «Une chose inimaginable il y a encore quelques années», fait observer le quotidien El Pais qui annonçait cette nouveauté lundi en première ouverture de son édition du jour. Les agents marocains ne sont pas bien sûr autorisés à porter des armes dans ces opérations dirigées contre des cellules d´endoctrinement et de captage de recrues pour le djihad. Ce sont dans leur quasi-totalité des Marocains résidents de longue date en Espagne et souvent inconnus des services antiterroristes espagnols. La raison en est simple. Le captage des recrues du djihad ne se font plus dans les mosquées mais via Internet. La collaboration des collègues des pays d´origine des présumés terroristes devient incontournable. Rabat le sait et use de cet atout. D´où la présence des services de la DGST en terrain espagnol. Cette étroite collaboration policière a d´ailleurs fait ses preuves, selon Madrid, puisqu´elle a permis de démanteler, récemment, une cellule de soutien au djihadisme menée conjointement à Barcelone, Melilla et dans la localité marocaine de Castillejo, voisine de Ceuta. Bilan : une douzaine d´arrestations, dont des femmes et des mineurs des deux sexes. La procédure judiciaire engagée contre Abdelatif Hammouchi est venue en fait se greffer sur un dossier beaucoup plus lourd, le conflit du Sahara occidental, la grande priorité de la diplomatie marocaine. La position de François Hollande sur la question sahraouie n´est pas celle que défendaient inconditionnellement Jacques Chirac, puis Nicolas Sarkozy. Si le gouvernement socialiste français considère toujours le plan marocain comme «crédible et sérieux» pour ne pas rompre avec une politique d´Etat, il n´en demeure pas moins que Paris est aujourd´hui plus alignée sur la position onusienne de soutien au droit à l´autodétermination du peuple sahraoui. La question du Sahara Le gouvernement conservateur espagnol, en revanche, est en train de s´écarter de la position traditionnelle de soutien de l´Espagne à l´autodétermination dans son ancienne colonie. Le gouvernement Rajoy fait dans le double langage, exprimant en public son attachement à ce principe tout en agissant discrètement au sein du Groupe des Amis du Sahara (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Espagne) pour bloquer toute initiative contraire aux thèses marocaines. C´est l´Espagne qui a bloqué, cette année, le projet de résolution déposé au Conseil de Sécurité par l´ambassadeur des Etats-Unis à l´ONU, Mme Samantha Power, demandant que la Minurso, organisme chargé du contrôle du cessez-le-feu au Sahara occidental, élargisse sa mission à la surveillance des droits de l´Homme dans les territoires occupés sahraouis occupés par le Maroc. Membre du Conseil de sécurité pour un mandat de deux ans à partir du 1er janvier 2015, l´Espagne agira, selon le ministre espagnol des Affaires étrangères dans une récente déclaration au Sénat, contre toute solution imposée dans ce conflit. Le message de José Manuel García-Margalo veut dire en clair que l´Espagne s´opposera au Conseil de sécurité à l´obligation pour le Maroc d´appliquer le droit au référendum. Le gouvernement Rajoy défend à peu près cette même position concernant la Palestine. L´Espagne, contrairement à la France, ne veut pas d´un calendrier fixant un délai de 12 mois pour la conclusion par Israël d´un accord avec la Palestine suivi de son retrait des territoires occupés avant la fin de l´année 2017. Pas de solution imposée non plus à Israël, selon le gouvernement espagnol qui conditionne sa reconnaissance de l´Etat de Palestine par un accord entre les Israéliens et les Palestiniens, tout en sachant qu´Israël joue le statu quo éternel.