Les affaires de surfacturation et d'escroquerie au niveau du groupe Sonelgaz n'ont pas révélé tous leurs secrets.L'éclatement du scandale au niveau de la direction régionale de Bologhine, relevant de la Société de distribution Alger (SDA), qui s'est soldé par la mise sous contrôle judiciaire de cinq cadres de l'entreprise, nous pousse à nous interroger sur la situation qui prévaut au niveau des autres directions. Les pratiques de surfacturation et de vol des institutions étatiques a-t-il touché uniquement celles situées au niveau d'Alger-Centre ? Ou se sont-elles généralisées à toutes les autres agences ? Gué de Constantine, un autre cas L'alimentation en électricité et les bilans enregistrés au niveau de l'agence de Gué de Constantine confirment ces hypothèses. En septembre 2008, le taux de perte est passé de 32% à 2% au niveau de cette direction régionale alors qu'il frôlait avant cette date les 32%. Ce taux a vite repris son rythme normal dès le mois de novembre où l'agence a enregistré une perte estimée à 27%, puis à 41%, 33% en décembre. «La baisse du taux de perte a coïncidé avec le début de l'enquête diligentée par la police au niveau de Bologhine. Les agents ont refusé de poursuivre ces pratiques de surfacturation au niveau des institutions que couvre ce secteur», nous expliquent des sources anonymes. Dans ce cas encore, la surfacturation a touché essentiellement les institutions publiques et certaines industries du secteur privé. Il s'agit notamment de MDN UCC Baba Ali, AADL GCGS Guangsha, M. Gueddouche, Inerga, DIIE Gué, CFPA de Aïn Naâdja et EPE Cabel SPA. La sous-direction de Sonelgaz fait payer à ses clients des sommes faramineuses en gonflant les quantités d'électricité consommées mensuellement. C'est le cas, entre autres, de MDN UCC Baba Ali dont la capacité forfaitaire de consommation est de 44 883 kWh, qui se trouve surfacturée à 225 000 kWh, soit une différence de 180 117 kWh. De même pour le chantier de l'AADL où le forfait est fixé à 67 200 kWh mais surfacturé à 360 000 kWh, soit une différence de 292 800 kWh. Le MDN, des CFPA et même Sonelgaz touchés Le centre de formation professionnelle de Aïn Naâdja a été lui aussi victime de cette pratique frauduleuse. La consommation forfaitaire du centre est de 39936 kWh. Elle a été calculée au mois de septembre 2008 à 96 000 kWh, soit une différence de 56 064 kWh. Dans une correspondance datée du 4 octobre 2008, le directeur de ce centre a demandé au sous-directeur de Gué de Constantine «le remplacement des compteurs placés par ses services en raison de leur forte capacité qui ne correspondent pas aux besoins du centre». Les compteurs placés sont d'une capacité de 320 kWh alors que le centre, vu sa mission non industrielle, nécessite des compteurs de 120 kWh. Le directeur a également relevé l'augmentation de la consommation en électricité de son établissement qui dépasse de cinq fois la consommation forfaitaire, passant de 67 000 à 320 000 DA. Le directeur a demandé la révision de cette «facture exorbitante». Selon nos sources, la consommation en électricité du CFPA a été calculée sur la base de la puissance maximale du compteur qui fonctionne 10 heures par jour pendant 30 jours, incluant ainsi les vendredis et les nuits. Cette pratique a été utilisée également pour gonfler la facture de la direction régionale de Sonelgaz de Gué (DIIE Gué) où le calcul a été fait en considérant que le compteur fonctionne à sa capacité maximale pendant 24 heures et durant 30 jours. Ceci a permis à la facture de passer de 42 000 kWh à 144 000 kWh. La surfacturation de la DIIE de Gué a fait elle aussi l'objet de dénonciation de la part du divisionnaire des relations commerciales auprès du PDG de SDA. Dans cette lettre, le divisionnaire a évoqué «les directives données par le directeur régional aux agents pour réviser à la hausse les forfaits pour les clients moyenne tension dans le but d'atteindre un taux de perte appréciable aux yeux de la hiérarchie, sans procéder à aucune mesure ni analyse de l'historique de consommation touchant des secteurs aussi sensibles que le MDN et frisant le ridicule avec le poste livraison MTBT de la DIIE Sonelgaz alimentant notre propre DR». En tenant compte de ces pratiques, Sonelgaz aurait fourni à ses clients 21 millions de kWh en deux mois, soit l'équivalent de 11 milliards de centimes. La surfacturation, un mode d'emploi Les directeurs à tous les niveaux de responsabilité du groupe Sonelgaz sont informés de cette situation mais les choses n'ont toujours pas changé malgré les nombreux écrits soumis au PDG de Sonelgaz, au PDG de SDA et même au ministère de l'Energie. Les cadres ayant dénoncé cette fraude et ce vol généralisé ont rappelé l'existence de la circulaire n°7 de 2006 signée par le premier responsable du secteur où il a été évoqué la protection de toute personne qui dénonce des fraudes réelles et vérifiables. Les méthodes utilisées par Sonelgaz dans la surfacturation sont diverses. «Outre le gonflement des forfaits de consommation, les agents utilisent les tarifs de nuit pour facturer la consommation du jour. Une méthode qui permet de falsifier les ventes de Sonelgaz et n'intervient pas dans les chiffres d'affaires réalisés. Ils recourent aussi à la création de compteurs fictifs qu'ils incluent dans le calcul de la consommation.» D'autres méthodes sont réservées aux utilisateurs de la basse tension ou aux ménages. Pour surfacturer, les agents de Sonelgaz utilisent les PV de fraude comme moyen de chantage courant qui aboutissent souvent à un règlement à l'amiable alors que la loi prévoit un dépôt de plainte. Il existe aussi le système de gestion clientèle. Ce système concerne les clients absents qui se retrouvent avec des factures surprenantes grâce à l'utilisation du forfait système. Nos sources affirment que les pratiques de surfacturation sont utilisées par différentes sous-directions. La société de distribution d'Alger a vu son taux de perte augmenter de 8,1% durant le premier trimestre 2008 à 31% à la même période de 2009. A Boumerdès, le taux de perte a enregistré une hausse, passant de 1% en 2008 à 28,5% en 2009. A El Harrach, ce taux est passé de -11,4% à 19,1%, et de 3,5% à 26% à Belouizdad. Des taux qui dépassent celui des pertes techniques par effet Joule estimé à 7%.