La décision du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, de geler des projets d'équipement non lancés suite à la baisse des recettes pétrolières risque d'entraîner un ralentissement de l'activité économique, causer une hausse du chômage et altérer le cadre de vie de la population. A l'exception des programmes de développement communal (PCD), la suspension de l'ensemble des projets n'ayant pas fait l'objet de notification d'ordre de service, y compris ceux financés au titre des comptes d'affectation spéciale, n'est pas la solution idoine, pense l'expert économique et membre du Cercle de réflexion et d'action autour de l'entreprise (Care), Ali Harbi. «L'Algérie n'est pas en crise» car la chute des cours du pétrole ne durera pas une à deux années, mais s'inscrit sur le long terme. Face à ce nouveau contexte économique, le pays est appelé à «changer de modèle économique». Ainsi, «le gouvernement devra chercher d'autres modes de financement car jusque-là les projets sont réalisés sur des investissements publics», a-t-il indiqué. Le gouvernement, poursuivra-t-il, pourra recourir à l'endettement interne à travers le lancement des emprunts, des obligations du Trésor ou autres modes de financement qui permettront à certains projets d'être poursuivis. Un remboursement de ces financements, à long terme, sera possible dans ce cas. Des projets d'infrastructures, par exemple, peuvent être financés dans le cadre d'emprunts obligataires. A la question de savoir sur quelle base le gouvernement pourra définir des projets prioritaires ou secondaires à reporter à une date ultérieure ou à annuler carrément, Harbi a relevé que pour l'heure «aucune liste de projets n'a été arrêtée et aucun ordre des priorités n'a été défini». Il est noté, en effet, dans un télex adressé notamment aux contrôleurs financiers auprès des ministères, institutions et établissements publics que «tous les projets non engagés sont gelés» et non annulés. Il pense que le gouvernement optera pour une méthode afin de définir les projets à reporter ou à annuler. Pour le moment, poursuivra-t-il, «nous ne savons pas encore comment ça va se passer. C'est le conseil du gouvernement qui le décidera». Néanmoins, prédit-il, ceci dépendra des projets locaux et nationaux. Mais, conseillera l'expert, «avant d'annuler un projet, il faudra penser d'abord à d'autres modes de financement». Il ajoute à cet égard que les communes et les wilayas peuvent recourir à des financements bancaires pour lancer des projets locaux au lieu de recourir systématiquement au Trésor public. Il recommandera, dans ce sens, le changement de la mentalité des banques. Des crédits bancaires pour les APC «Le ministère des Finances doit émettre des instructions aux banques, appelées aussi à changer leur gouvernance». La Banque d'Algérie devra, de son côté, définir les règles prudentielles pour mettre en œuvre ce mode de financement. «Les banques publiques doivent cesser de fonctionner comme des administrations et travailler sur des critères économiques». Le spécialiste rappellera que toutes les discussions lancées actuellement ont déjà eu lieu lors de la première crise des années 1980. Les modes de financement alternatifs ont déjà fait l'objet de discussions. Les mécanismes existent mais ils ont été vite oubliés suite à la remontée des prix du pétrole dans les années 2000. «Puisque nous sommes déjà passés par une crise financière dans les années 1980, nous avons défini plusieurs mécanismes, notamment pour le financement de l'économie et établi les moyens pour adapter les investissements», rappelle l'expert économique. Et de conseiller de revenir aux mécanismes existants. «La situation actuelle du pays est sérieuse mais pas urgente en raison de l'existence d'un fonds de régulation des recettes. Nous ne sommes pas dans une situation brusque mais nous devons changer de mentalité. Nous devons entamer les réformes maintenant», a-t-il préconisé. A propos d'une éventuelle annulation de certains projets d'infrastructures de base, Harbi souligne qu'une telle décision aura un effet d'entraînement sur les entreprises de réalisation, appelées à l'avenir à faire face à des situations critiques et se verront obligées de diminuer leurs effectifs. «L'essentiel de l'emploi est créé à travers des projets de la commande publique», a-t-il fait remarquer. Le ralentissement de l'activité du secteur du BTPH et de l'activité économique, d'une manière générale, entraînera inéluctablement une baisse de la consommation. L'économiste relève, à ce titre, qu'aucun secteur ne doit être touché par les restrictions budgétaires. «Nous ne pouvons pas faire une sélection sectorielle, car tous les secteurs sont indispensables.» Par contre, note-t-il, «il est possible d'intervenir sur le rythme de réalisation. Il est possible également de revoir certains projets en termes de volume». Parmi les modes de financement préconisés, il citera à titre indicatif la réalisation d'un projet comme le tramway à travers le lancement de l'actionnariat public. Les entreprises publiques ou privées peuvent aussi apporter des contributions financières dans la réalisation des projets. Quant à l'Etat, il doit élaborer des cahiers des charges pour garantir la conformité réglementaire, normative ainsi que la qualité de service.