Le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, a jeté un véritable pavé dans la mare en révélant hier dans un entretien à l'APS son intention de faire le ménage dans les rangs des bénéficiaires de la carte de reconnaissance et les privilèges qui en découlent pour débusquer les faussaires. Cela fait bien longtemps qu'un haut responsable, surtout un ministre, n'a pas pris ses responsabilités pour examiner cette triste affaire des «faux moudjahidine» qui est tombée comme un cheveu sur la soupe de la glorieuse Révolution. Tout en reconnaissant implicitement l'existence de cette exploitation éhontée des sacrifices des autres par certains, le ministre souligne «qu'il y a des intentions d'attenter à la Révolution ainsi qu'à l'honneur des moudjahidine». On ne sait pas s'il fait allusion à l'homme qui fut à l'origine de l'éclatement du scandale des «magistrats faussaires» ou des «faux moudjahidine» en 1992, à savoir Benyoucef Mellouk, directeur du contentieux au ministère de la Justice à l'époque des faits. Cet homme qui aligne des procès en série depuis la fameuse «Une» de L'Hebdo libéré où il a mis en cause des personnalités de haut rang en a quasiment fait le combat de sa vie. L'affaire reste tout de même pendante au niveau de la justice pour des raisons non encore explicitées. Mais voilà que Tayeb Zitouni apporte un peu d'eau au moulin de Benyoucef Mellouk en révélant que son ministère «procédera au retrait de la carte de reconnaissance aux faux moudjahidine». Retrait des cartes aux faussaires Il suggère ainsi qu'une enquête est en cours au niveau de son département pour séparer le bon moudjahid du faussaire, qui bénéficie injustement et indûment d'un statut enviable par la magie de signatures aléatoires, voire complices, de «témoins». Dans le même ordre d'idées, le ministre a confirmé la fin de l'opération de délivrance de la fameuse «carte de reconnaissance en tant que moudjahid». «L'octroi de cette carte a été bloqué en 2002 suite à une recommandation d'un congrès de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM)», a-t-il tranché, fermant ainsi la porte à certains maquisards de la «25e heure» qui ne désespèrent pas de pouvoir jouir d'une retraite dorée ou de l'anticiper pour leurs enfants. Autre sujet polémique, Tayeb Zitouni s'est exprimé sur les excuses de la France pour ses crimes coloniaux. S'il s'est gardé d'en faire une revendication de l'Etat, il a souligné par contre «l'attachement de la société civile à son droit de réclamer des excuses après le recueil de tous les détails de la guerre de Libération». Pour autant, le ministre affirme que «le jour viendra où la France présentera ses excuses et reconnaîtra ses crimes perpétrés contre le peuple algérien». «La position de la France a évolué» Il en veut pour preuve que la position française à l'égard des crimes commis à l'encontre du peuple algérien a «évolué». A l'appui, il citela visite en avril dernier du secrétaire d'Etat français aux Affaires des anciens combattants qui s'est recueilli à la mémoire du premier martyr des massacres du 8 Mai 1945. «Cette position constitue un pas de la partie française vers la reconnaissance des massacres et crimes perpétrés par la colonisation française contre le peuple algérien», ajoute-t-il. Quid de la récupération des archives de la guerre de Libération auprès de la France ? Le ministre a fait savoir que les «démarches sont en cours» avec le côté français, précisant que l'Algérie «tient à la satisfaction de cette requête». Il affirme dans ce sens que des rencontres ont eu lieu entre les deux côtés, algérien et français, pour examiner cette requête, souhaitant que la «partie française manifeste une volonté de le faire». Il faut rappeler que l'ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Le Drian, avait étonné il y a quelques années en révélant dans un entretien à un confrère qu'aucune demande n'a été introduite par les autorités algériennes pour récupérer les archives de la Révolution. Cela dit, Tayeb Zitouni, qui s'exprimait à la veille de la célébration du double anniversaire du 20 Août marquant l'offensive du Nord-Constantinois (1955) et le Congrès de la Soummam (1956) a promis des «festivités exceptionnelles».