Les portes se sont refermées, dimanche soir, sur les Mondiaux 2015 d'athlétisme que Pékin a accueillis du 22 au 30 août dans son fameux stade du Nid d'oiseau. Des Mondiaux dont on ne gardera pas un souvenir impérissable car non marqués par des performances de haut niveau. En neuf jours de compétitions, il n'y a eu qu'un seul record du monde à avoir été battu, celui de l'Américain Ashton Eaton, auteur de 9045 points au décathlon. En dehors de cela, il y a eu quelques records des championnats du monde et pas mal de records nationaux, mais rien de terrible. Il y a eu, également, des surprises sans lesquelles ces Mondiaux auraient manqué de saveur. On pense au succès du Canadien Derek Drouin qui, au concours de la hauteur, a maté les deux monstres sacrés que sont le Qatarien Mutaz Essa Barshim et l'Ukrainien Bohdan Bodarenko. Dans cette même épreuve, il faut saluer la médaille d'argent d'un nouveau venu, le Chinois Guowei Zhang. Sa compatriote Huihui Lyu s'est, elle, distinguée avec l'argent dans le lancer du javelot. Les Chinois se sont, également, illustrés dans des épreuves où on ne les attendait pas, comme le 4x100m masculin, où ils ont terminé 2es derrière les intouchables Jamaïcains, alors que l'un de leurs athlètes, Bingtian Su, s'était hissé en finale du 100m. D'autres surprises ont essaimé ces Mondiaux parmi lesquelles le succès d'une Européenne, la Néerlandaise Dafne Schippers, dans une course, le 200m, promise depuis des lustres, aux Américaines ou aux Jamaïcaines, ainsi que la médaille d'or d'un Kenyan, Julius Yego dans un concours, le javelot, traditionnellement remporté par des athlètes finlandais, norvégiens ou bien de l'est européen. Du grand Kenya Le Kenya aura, d'ailleurs, été le grand vainqueur de ces Mondiaux 2015 avec un total de 16 médailles dont 7 en or, 6 en argent et 9 en bronze. Ce pays, connu pour ses coureurs de demi-fond et de fond, s'est, aujourd'hui, impliqué dans des spécialités qui demandent plus de technique, comme le lancer du javelot messieurs ou le 400m haies messieurs, où il a, aussi, remporté la médaille d'or. On n'oubliera, également, pas le 3000m steeple masculin où les quatre premières places ont été remportées par des athlètes kenyans. Ce pays termine premier au tableau des médailles devant la Jamaïque (12 médailles, 7 en or, 2 en argent et 9 en bronze), une Jamaïque qui est restée fidèle à ce que l'on savait d'elle, à savoir qu'elle possède aujourd'hui les meilleurs sprinters de la planète, avec Usain Bolt comme chef de file et auteur de nouveau triplé en matière de médailles d'or (100, 200 et 4x100). Les Etats-Unis complètent le podium du classement avec 18 médailles (6 en or, 6 en argent et 6 en bronze). Des Etats-Unis qui ont reculé dans la hiérarchie mondiale mais qui restent, malgré tout, redoutables. Et l'Algérie dans toute cette affaire ? Notre pays était mal parti avant ces Mondiaux avec le lamentable échec de ses deux candidats aux élections de l'IAAF. 14 athlètes avaient été envoyés à Pékin. La plupart d'entre eux n'y sont allés que pour voir le décor du stade car on savait qu'ils n'y feraient pas sensation. Il faut savoir que nombre de ces athlètes algériens n'ont dû leur présence dans la capitale chinoise qu'au fait d'avoir réussi les minimas requis lors des derniers jours précédant les Mondiaux. Des performances obtenues au forceps. Pour atteindre le chiffre de 14, la Fédération algérienne d'athlétisme est allée jusqu'à demander une dérogation à la Fédération internationale (IAAF) pour repêcher deux athlètes, un dans le 3000m steeple et un dans le 800m. Pour rien, puisqu'aucun des deux n'a pu aller au-delà des séries. Pis, la Fédération algérienne avait un athlète, Yacine Hathat, qui avait réalisé les minimas pour le 800m. A Pékin, cette athlète s'est retrouvé en train de courir le 1500m et non le 800m, cela après avoir, certainement, demandé une autre dérogation à l'IAAF puisqu'il n'avait pas réussi les minimas du 1500m. Une autre tentative pour rien puisque Hathat a, lui aussi, été éliminé lors des séries. Lahoulou et Bourrada à suivre de près Parmi ceux qui ont réussi à passer au moins un tour, on trouve les deux coureurs du 3000m steeple Bilal Tabti et Hichem Bouchicha, respectivement 13e et 14e de la finale mais qui ne seront pas considérés comme finalistes puisque l'IAAF ne prend en compte que les 8 premiers pour un tel statut. Il y a, aussi, le coureur du 400m haies, Abdelmalik Lahoulou, qui est allé en demi-finales d'où il a été éliminé (6e), non sans avoir battu son propre record (48.87). Voilà un athlète, et nous l'avons dit dans une de nos précédentes éditions, qui mérite, vu son jeune âge (23 ans), d'être mieux pris en charge et pourquoi pas être placé dans un club en Europe. S'il y a une grosse satisfaction à tirer de la participation algérienne lors de ces Mondiaux, c'est bien la performance de Larbi Bourrada au décathlon. Le champion d'Afrique en titre s'est bien comporté jusqu'à finir 5e des épreuves combinées tout en battant, avec 8441 points, le record d'Afrique. Il est incontestable que cet athlète est à suivre de près dans la perspective des jeux Olympiques de Rio de 2016. On terminera par Taoufik Makhloufi, l'athlète qui tenait à bout de bras et au prix de sa vélocité les chances de l'athlétisme algérien. En fait, l'arbre qui cache une montagne d'imperfections dans une discipline qui ne cesse de décliner. Makhloufi est revenu de loin puisqu'on rappellera que les deux dernières années il n'a que peu couru en raison d'une maladie (hépatite virale). Il était revenu au premier plan cette année mais il semble qu'il s'est mal géré. On oubliera, d'abord, qu'au début de sa préparation, il avait choisi de s'entraîner sans… entraîneur. Ce scénario a duré près de trois mois et l'athlète disait qu'il pouvait se passer de coach. Du reste, son coach actuel Phillippe Dupont a déclaré qu'il a payé à Pékin pour sa mauvaise préparation de début de saison. Un Dupont qui a ajouté, et là il y a de quoi se montrer sidéré, que Makhloufi et lui «n'avaient préparé aucune stratégie pour la finale». Pour un coach qui se dit expérimenté, cette réponse a de quoi étonner car on pensait qu'un technicien est aussi enrôlé pour monter une stratégie de course. On ajoutera que le président de la Fédération algérienne d'athlétisme avait, lui-même, dit, lors d'une conférence de presse tenue par l'ex-ministre des Sports, Mohamed Tahmi, qu'un athlète du niveau de Makhloufi pouvait s'entraîner sans entraîneur. Ce dernier s'est, également, trop étalé dans la presse algérienne où il se disait capable d'aller vers l'or à Pékin et de battre un jour le record du monde de Hichem El Guerroudj. Un peu plus de retenue de sa part n'aurait pas été de trop car un Hichem El Guerroudj et un Noureddine Morceli se montraient moins diserts quand on leur parlait de ce qu'ils envisageaient de faire. C'est le résultat sur la piste qui reste le concret comme celui du même athlète aux JO de Londres, en 2012, où personne ne croyait en lui et qui avait fini par s'imposer. Makhloufi a eu les moyens qu'il fallait pour un résultat modeste pour un sportif de sa renommée. Quatrième d'une finale où il a été battu dans la dernière ligne droite. C'est une sévère leçon pour cet athlète qui devra, dès à présent, songer aux JO de l'année prochaine en évitant de trop parler. D'ici là, on le verra, de nouveau, sur la piste jeudi prochain lors du meeting de la Diamond League de Zurich où il sera aligné sur le 800m puis à Berlin (le 6 septembre). Après cela, il ira à Brazzaville, courir, également, dans le 800m des Jeux africains où l'athlétisme se déroulera entre le 13 et le 17 septembre. On voit, donc, que le bilan de l'athlétisme algérien aux Mondiaux de Pékin n'a rien d'extraordinaire. Il est en deçà des espoirs qui avaient été placés en lui. Mais les méritait-il vraiment quand on sait la trajectoire descendante qu'il suit depuis quelques années ? A Pékin, l'Afrique a été à l'honneur avec les Kenyans, les Ethiopiens mais aussi l'Erythrée. Dans le Maghreb, la Tunisie et l'Egypte ont, chacune, obtenu l'argent alors que le Maroc a eu une médaille de bronze. Quand vous avez une discipline, comme l'athlétisme algérien, dont le nombre de licenciés ne cesse de décroître, il ne faut pas s'attendre à accomplir des exploits sur les pistes des stades mondiaux. Et qu'on ne nous parle pas de manque de moyens. L'île de la Grenade, qui ne compte même pas 150 000 habitants et qui vit, essentiellement, de son agriculture, a, au moins, le mérite de revenir de Pékin avec une médaille de bronze, obtenue au 400m messieurs.