Des avocats spécialisés en droit constitutionnel et des politiques ont plaidé, hier à Alger, pour la participation «réelle» de la classe politique et de la société civile dans le processus de révision de la Constitution, «qui doit prendre en considération l'intérêt du peuple». Intervenant lors d'une conférence-débat, intitulée «Révision de la Constitution pourquoi et comment ?», Me Mokrane Aït Larbi a souligné l'importance d'un consensus dans l'amendement de la Constitution. «Toutes les parties prenantes de la société algérienne sont sommées de réfléchir ensemble à une Constitution qui prenne en compte les préoccupations des citoyens et l'intérêt de la nation avant tout», a-t-il indiqué. Pour lui, la Constitution de 1996 et les amendements de 2002 et 2008 donnent tous les pouvoirs au président de la République. Ces pouvoirs prévus par les articles 77 et 78 de la Constitution sont une preuve que les institutions ne peuvent pas fonctionner normalement lorsque le Président ne peut pas assumer personnellement ses pouvoirs et prérogatives au quotidien. Le Président a entre les mains tous les pouvoirs : il est chef de l'Etat, du gouvernement, ministre de la Défense nationale, a fait remarquer Me Aït Larbi. Pour cet ex-sénateur du tiers présidentiel, la Constitution actuelle donne toutes les prérogatives au président de la République et aucune institution ne peut s'opposer à ses décisions, même le Parlement. Pour étayer ses propos, l'homme de droit avance que le Parlement ne peut en aucun cas contester les instructions du Chef du gouvernement une fois publiées au Journal officiel. Il a mis l'accent sur l'urgence de réviser l'article relatif à la durée du mandat présidentiel. Pour Abderrahmane Belayat, chef de file des redresseurs du FLN, la révision de la Constitution doit prendre en compte les intérêts de toutes les composantes de la société algérienne, sauf celles qui nuisent à l'unité nationale. «Ce projet est d'une importance capitale pour le pays et doit faire l'objet d'un large dialogue entre les parties concernées», a-t-il dit. Et d'ajouter : «Nous avons besoin d'une Constitution forte et pérenne et non d'un document qui subit des changements à chaque crise.» De son côté, le juriste et membre du Front pour la justice et le développement (FJD), Ammar Khababa, estime que les amendements de la Constitution proposés par la présidence aux partis politiques sont insignifiants. «Les amendements ne répondent pas à nos attentes, ni aux discours que nous avons entendus. Si on les comparaît à ceux de 2008, on ne trouvera pas une grande différence», a-t-il avancé, ajoutant que «la nouvelle mouture consacre le même régime politique existant et ne touche pas aux grands équilibres entre les trois pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire». Le pays a besoin, selon lui, d'une réforme profonde de la Constitution et non de simples amendements qui ne vont pas apporter grand-chose à la société algérienne. «On aurait souhaité et attendu de voir ce projet définir la nature du régime, consacrer la séparation entre les pouvoirs, instituer l'indépendance de la justice en consacrant l'indépendance et l'autonomie du Conseil supérieur de la magistrature», a-t-il ajouté. Quant aux nouvelles prérogatives accordées au Premier ministre, il estime qu'«outre qu'elles ne soient qu'un partage interne à l'Exécutif, elles ne sont pas déléguées obligatoirement, elles sont tributaires de la bonne volonté du président de la République». «Nous avons besoin d'une Constitution consensuelle au lieu d'une Constitution bricolée», a-t-il martelé. M. Khababa plaide pour la mise en place d'une commission indépendante de spécialiste en droit constitutionnel, de représentant de la société civile et de la classe politique pour examiner le nouveau document avant qu'il ne soit soumis à référendum.