Jamais le dinar n'a atteint des niveaux aussi bas depuis l'indépendance. A la «Bourse» du square Port Saïd, euros, dollars et livres sont hors d'atteinte. L'euro poursuit son ascension, le dinar chute inexorablement ! Hier, à la vente, un euro s'échangeait contre 171 DA, un dollar américain valait 150 DA et une livre sterling coûtait pas moins de 225 dinars. Débarqués en début d'après-midi au niveau du marché parallèle des devises d'Alger, les cambistes qui ont repris du service, après les mauvais jours passés suite à la descente policière du printemps dernier, nous confirment que le dinar n'a jamais été aussi bas. «Cela fait 8 ans que j'exerce ce métier, j'avoue que je n'avais jamais assisté à de tels niveaux», a affirmé un cambiste de la place. Interrogé si cette dégringolade serait passagère ou qu'elle serait plutôt le début d'une tendance baissière, notre interlocuteur se montre encore une fois convaincu du fait que «nous assistons à une baisse de la valeur du dinar qui pourrait se terminer par un échange de 1 euro contre 200 DA». Au moment où nous avons engagé la discussion avec ce cambiste, son collègue est intervenu pour expliquer les raisons de cette hausse fulgurante. D'après lui, c'est l'approche du réveillon et des fêtes de fin d'année qui ont pesé lourdement sur la valeur de la monnaie nationale. «Vous savez très bien que les Algériens qui ont de l'argent quittent le pays pour une semaine à 10 jours afin de profiter du réveillon en France, en Espagne, en Turquie et même à Dubaï… et oui, même à Dubaï», a-t-il insisté, comme pour attirer notre attention sur le paradoxe qui fait qu'un émirat arabe et musulman propose des séjours où l'on peut passer des vacances «peu hallal». Refusant de mélanger convictions religieuses et business, notre interlocuteur principal réplique «ils ont de l'argent, ils en font ce qu'ils veulent. Nous, ce qui nous intéresse c'est qu'on nous laisse travailler tranquillement». Allusion faite au remue-ménage opéré par la police pour déloger les cambistes du Square. Une opération dont l'effet n'a pas dépassé quelques petites semaines. La baisse du cours officiel et la promotion des billets d'avion évoqués Du Square Port Saïd, nous nous sommes déplacés vers le marché Clauzel pour prendre la température. Alignés sur les mêmes tarifs que ceux du Square, les cambistes de Clauzel trouvent d'autres explications à la flambée des devises. Pour eux, la chute continue de la valeur officielle du dinar, ainsi que les promotions et offres spéciales de certaines compagnies aériennes pour des destinations très fréquentées y sont pour beaucoup dans l'équation dinar-devises. «En cette période de basse saison, les compagnies ont cassé les prix en lançant des promotions qui descendent jusqu'à 25 000 DA pour un Alger-Paris-Alger. Or, ce même billet pouvait coûter jusqu'à 55 000 DA en pleine période estivale», a argué l'un d'eux. Son copain qui paraît plus au fait des cours de la Bourse officielle évoque, pour sa part, la dévaluation du dinar opérée ces derniers mois par la Banque d'Algérie, pour expliquer la dégringolade de la monnaie nationale sur le marché informel. Encore un autre cambiste qui tente d'apporter «son éclairage» sur cette question. A le suivre, les inscriptions universitaires en France et dans d'autres universités européennes prisées par des étudiants algériens, sont ouvertes. Ce qui fait, selon lui, que les étudiants sont à la recherche des devises pour s'inscrire et y vivre dans ces pays, étant donné que l'accès au travail ne leur ai pas permis pendant qu'ils étudient. Tous ces éléments ont mené à un phénomène d'augmentation de la demande au moment où l'offre de la devise est restée inchangée, dopée principalement par les pensions des retraités de la France qui reviennent s'installer dans leur pays d'origine avec les devises qu'ils échangent sur le marché parallèle. Aux changes officiels, un euro vaut actuellement 119 dinars. Un dollar américain s'échange à 105 dinars. La livre de Sa Majesté la reine Elisabeth coûte 161 DA au change officiel.