La plongée de l'euro sur les marchés internationaux n'a pas provoqué de bouleversements majeurs sur la place informelle du square Port-Saïd. Le marché parallèle de la devise obéit à ses propres règles, s'appuyant essentiellement sur l'offre et la demande. La « bourse » du square Port- Saïd demeure ainsi à contre-courant de toutes les places financières internationales. Même s'il a marqué une légère baisse, l'euro résiste à l'offensive du billet vert. Les cambistes de la place d'Alger raffolent toujours des coupures violettes, représentant la somme de 500 euros qu'ils revendent à 6000 DA. Cela fait plusieurs semaines, bien avant la crise grecque, que la monnaie américaine affiche une courbe ascendante. Les 100 dollars s'échangent désormais contre 10 000 DA, une prouesse jamais égalée depuis plus de cinq ans. Si les analystes financiers internationaux imputent l'envolée du dollar aux « emprunts d'Etat de la zone euro », les jeunes cambistes avancent des arguments plus en phase avec la réalité algérienne. Ils expliquent que la cote du dollar est montée sur le marché informel depuis que les Chinois sont devenus des clients réguliers de la place financière clandestine. Hakim, la vingtaine, précise que les cours des devises étrangères sont décidés à l'aube, lorsque des « businessmen » venus de Kabylie et de l'est du pays proposent des sommes faramineuses pour alimenter le marché. « L'argent est présenté dans des sachets poubelle, explique Hakim en faisant claquer une liasse de billets, les cours sont fixés selon l'offre proposée. Vous comprenez bien que les tendances du marché international n'ont pas un effet direct sur le marché parallèle. » Même l'approche de la Coupe du monde de football n'a pas fait palpiter le marché du square Port-Saïd. « On s'attendait en effet, analyse Abdelkrim, opérant au square depuis deux ans, à ce que les demandes des supporters, prévoyant d'aller en Afrique du Sud, secoueraient le marché mais pour l'instant, il n'y a rien de ce genre. » S'il est évident que l'argent est le nerf de la guerre dans l'arène du square d'Alger, le plus important est de savoir se glisser dans l'un des réseaux du marché. Les cambistes se disputent les ruelles les plus en vue. Le groupe des Algérois, habitant le quartier, livrent une bataille féroce au clan des « Jijeliens », en supériorité numérique. Il y aurait, selon les cambistes sur place, près de 400 personnes qui opèrent sur les lieux. Les principales devises représentées dans la Bourse d'Alger sont généralement l'euro, le dollar, la livre sterling, le franc suisse et le dollar canadien. Dans la mesure où la demande de la monnaie saoudienne est constante, le taux du rial saoudien reste inchangé, tout au long de l'année. Et bien que le yuan chinois commence à apparaître sur le marché du square, les cambistes feignent de n'y prêter qu'une importance mineure. La chute de l'euro, qui a atteint hier son plus bas niveau depuis quatre ans sur le marché international, devrait néanmoins profiter à l'Algérie. Le fait est que l'économie algérienne se singularise par une exportation – en dollars – d'hydrocarbures et une importation massive – en euros – de divers produits. Notre pays gagnerait ainsi au change.