Contrairement aux idées reçues, le secteur du livre en Algérie est sur une véritable dynamique et génère des profits non négligeables. Des éditeurs rencontrés hier au Salon international du livre d'Alger livrent leurs impressions et ne cachent pas leur optimisme. Toutefois, ils sont unanimes à réclamer le développement du réseau de diffusion, le maillon faible de la chaîne. Le 20e Salon du livre d'Alger constitue, en effet, une véritable vitrine du monde de l'édition. Des centaines de maisons du livre occupent les trois grands pavillons de la Safex depuis jeudi. Les lecteurs ont eu vraiment l'embarras du choix. Les prix varient selon les genres recherchés (littérature et poésie, histoire, sciences et culture générale…), alors que la qualité n'est pas en reste. Les stands étaient également pleins à craquer en cette matinée du mardi. Cela témoigne, selon les éditeurs, de l'amour de la lecture chez les Algériens en dépit de l'existence de multiples facteurs dissuadant plus d'un à avoir un livre de chevet. A l'ère de l'internet, des réseaux sociaux et de la 3G, les professionnels rencontrés, hier, disent ne pas craindre les retombées de ces technologies numériques sur les habitudes de lecture. La disparition du papier n'est pas pour demain, assurent les responsables de Dalimen, de l'Anep et de Chihab. «On est sur une dynamique de croissance et notre objectif est celui d'être le numéro 1 du livre en Algérie», souligne le nouveau DG de l'Anep Djamel Kaouane, annonçant le redéploiement des Editions Anep au niveau national. Fort d'un catalogue de 735 titres édités à ce jour, l'Agence nationale d'édition et de publicité compte ouvrir prochainement quatre librairies, qui étaient auparavant fermées pour des travaux de rénovation. «Nous comptons mettre en place notre propre réseau de distribution. L'Anep devra reprendre du terrain et occuper la place qui aurait dû être la sienne. Notre but est de renforcer le livre d'histoire, qui est le segment principal. Et nous envisageons aussi d'être présents dans la littérature dans toute sa diversité», nous confie Kaouane, citant comme exemple d'inspiration le réseau Fnac en France. De son côté, Asia Baz, directrice d'édition à l'Anep, souligne que la stratégie est celle de publier les jeunes auteurs et d'encourager la coédition. «Il existe des auteurs algériens très intéressants, mais il n'en demeure pas moins que notre problème est le manque de visibilité. Il faudrait professionnaliser et structurer le métier. La demande est très forte sur certaines publications», relève Mme Baz, persuadée que l'internet est loin de faire la concurrence au livre en papier. Un bond qualitatif et quantitatif Même son de cloche chez les éditions Dalimen. La directrice de cette maison du livre, Dalila Nedjem, soutient que «malgré les difficultés rencontrées, il y a eu, grâce aux efforts déployés par les pouvoirs publics, les auteurs, les éditeurs, les imprimeurs et les libraires, un saut qualitatif dans le domaine du livre». Ceci est le fait, selon elle, des dispositifs mis en place pour l'encouragement de la création et de l'édition. Les évènements nationaux et internationaux organisés depuis l'Année de l'Algérie en France en 2003, ont favorisé, signale-t-elle, l'édition permettant même la création de certaines entreprises. Si on se fie aux déclarations des professionnels du livre, le secteur a connu un bond qualitatif et quantitatif. Il existe, aujourd'hui, une véritable diversité dans les thèmes : universitaire, scolaire et parascolaire, littérature de jeunesse et histoire, culture générale. Sur le plan des moyens d'impression, des investissements colossaux ont été effectués aussi bien par le secteur public que privé. La majorité des éditeurs algériens impriment d'ailleurs au niveau local. «On ne peut pas dire qu'il n'y a que du négatif dans le domaine du livre. Maintenant, il y a lieu de pérenniser ces réalisations et de professionnaliser le secteur. Il faut former dans les métiers du livre et offrir des rémunérations à juste valeur. Il est indispensable d'élargir le réseau de la distribution du livre», tient à souligner Dalila Nedjem saluant au passage la politique d'acquisition des ouvrages entreprise notamment par les bibliothèques de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur. La création d'une centrale d'achat de livres dans les grandes villes demeure, selon les dires des acteurs du secteur, une nécessité pour faire parvenir le livre au fin fond de l'Algérie. La politique de soutien aux jeunes entrepreneurs voulant acquérir des locaux pour les transformer en librairie dans le cadre du dispositif Ansej est aussi à encourager. Sur le plan médiatique, les éditeurs réclament une revue littéraire, plus d'émissions radiophoniques et télévisuelles consacrées au monde du livre et aux nouvelles publications. La création de l'Organisation nationale des éditeurs du livre (Onel) vient conforter le champ éditorial, d'autant plus qu'il n'existe plus de cadre associatif canalisant toutes les énergies. Agréée récemment, l'Onel devra être active à partir du mois de décembre. Les éditeurs algériens comptent énormément sur cette organisation pour défendre le métier du livre. Un nouveau syndicat en action Le but reste toujours celui d'élargir la diffusion, pourquoi pas l'exportation. Pour cela, tous les professionnels sont invités à travailler ensemble et à s'entendre pour défendre un secteur considéré comme stratégique. Selon un conseiller du ministère de la Communication, ancien DG d'une maison d'édition, ayant requis l'anonymat, le marché du livre algérien représente 400 milliards de dinars par an, suscitant, selon lui, la convoitise de grandes maisons d'édition françaises et arabes. Le responsable du ministère de la Communication évoque l'existence même des acteurs de l'informel dans le livre travaillant dans des ateliers cachés dans des quartiers populaires de la capitale. Le nombre de 8 millions d'élèves et de plus de 1 million d'étudiants représentent un marché potentiel. D'où la bousculade des éditeurs et autres acteurs du domaine à prendre part au Sila, devenu désormais un évènement incontournable à l'échelle nationale et internationale.