Le gouvernement donne l'impression qu'il ne sait plus où donner de la tête. Son incapacité à endiguer l'informel étant établie, mais les dernières sorties des ministres des Finances et du Commerce ajoutent bien une couche, confirmant au passage l'absence de stratégie en la matière. L'Etat sera donc incapable d'y faire face, et l'économie nationale continuera d'être saignée… Un ministre qui s'avance puis se rétracte. Un autre qui évite sciemment d'aborder le fond du problème et tente de proposer des solutions. Il s'agit d'abord de Bakhti Belaïb, ministre du Commerce, qui, lors de son passage à la Radio nationale, il y a trois jours (dimanche 8 novembre, Ndlr), n'a pas manqué de lever le voile sur l'ampleur du phénomène de la surfacturation, et de son impact évident sur l'économie nationale. Ses déclarations ont «fait mouche». Le mal est, donc, très profond. Rien qu'au premier semestre 2015, plus de 24 000 constats d'infraction ont été faits pour plus de 40 milliards de dissimulations du chiffre d'affaires. 24 000 tonnes de marchandises ne répondant pas aux normes ont été bloquées aux frontières, et plus d'une centaine d'importateurs indélicats ont été poursuivis en justice, atteste le ministre. Benkhalfa botte en touche Le commerce extérieur est donc bien miné de l'intérieur. Mais l'onde de choc qu'ont provoqué les premières déclarations du ministre Belaïb n'ont visiblement pas laissé indifférents «qui de droit». C'est le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, qui est appelé à la rescousse. Saisissant l'occasion offerte mardi par la tenue de la session du Conseil national des assurances, le premier argentier du pays, qui ne commente pas les déclarations de son collègue au gouvernement, va «un peu trop vite en besogne» – selon diverses appréciations d'initiés – en tentant d'apporter des solutions. Ainsi, dira-t-il, «dès janvier prochain, il n'y aura plus de dépôt de domiciliation qui ne se fait de façon électronique. Deuxièmement, dès que l'information est captée au niveau de la banque, elle sera communiquée simultanément aux services des impôts et ceux des douanes. Troisièmement, le numéro d'identification fiscale (NIF) et le numéro d'identification nationale (NIN)». «C'est un moyen de contrôle systématique des valeurs», a-t-il ajouté. Mais, estiment les observateurs, cette annonce sonne faux puisque c'est tout le système bancaire qui souffre d'insuffisances en la matière. Mieux encore, si la surfacturation permet aux importateurs véreux d'engranger des devises «illicitement transférables», il demeure que leur «recyclage» se fait via le marché parallèle des devises. Et pour cette question, Benkhalfa ne semble pas trouver de réponse, ou du moins pour le moment. Entre-temps, la «bourse» de Port Saïd continuera d'assurer le «service» au grand bonheur des importateurs véreux. Communication problématique… Cependant, et devant tout ce «tralala» médiatique, c'est Belaïb qui est appelé à apporter des précisions. Celui-là, dont les déclarations auraient été altérées suite à une mauvaise interprétation de la presse nationale, s'est vu dans l'obligation de tempérer. Dans une «mise au point» adressée à la presse, via un site électronique d'information, TSA, (un choix qui en dit long sur cette préférence sachant qu'il ne s'agit là aucunement d'un organe officiel, ni de voix autorisée), Bakhti Belaïb va jusqu'à se déjuger : «J'ai, en effet, récemment déclaré lors d'une émission de la radio Chaîne III en répondant à une question relative aux transferts illicites de capitaux et plus spécialement à la valeur que représentent ces transferts. Dans ma réponse, j'ai indiqué, entre autres, que ces transferts peuvent être évalués à un taux de 30%. Dans mon esprit, le taux de 30% devrait être rapporté au montant global de la déclaration de la valeur (montant figurant sur la facture) faite par l'importateur incriminé et non au coût annuel global des importations», a-t-il écrit. «Il faut bien préciser que le taux de 30% que j'ai indiqué est un taux moyen, car il y a de nombreux cas où ce taux est bien plus élevé et peut atteindre des niveaux de 200%, voire même de 300%», précise-t-il. Ainsi, il sera utile de noter que si ces sorties des ministres du Commerce et des Finances n'apportent pas de réponses au vrai problème que pose le «trafic» de devises, elles ont le mérite d'avoir levé le voile sur les difficultés que rencontre le gouvernement pour mieux réagir à certaines situations, mais surtout à bien communiquer…