Il y a quelques jours, alors qu'une camionnette était stationnée près de la salle de cinéma Ouarsenis, ex-Le Français, un des agents de nettoyage est descendu avec son appareil spécial pour pulvériser un produit contre les rats et souris qui pullulent dans cette salle. A l'entrée de la salle, un mendiant dormait. en tentant de le convaincre de se lever afin d'éviter le produit, le mendiant lui a répondu qu'il n'avait pas peur de mourir. L'agent est reparti sans pulvériser le produit. Le problème n'est pas tout à fait l'histoire du mendiant, mais le fait que la salle était dans un état lamentable. En effet, cette salle qui était l'une des plus belles d'Alger est devenue depuis plusieurs décennies un véritable dépotoir. Tous les services se renvoient la balle et le wali d'Alger, qui vient de lancer une nouvelle campagne de nettoyage de la ville d'Alger, n'est pas encore passé par là. On se demande pourquoi tous les ministres de la Culture des deux dernières décennies n'ont pas réussi à restaurer les anciennes salles de cinéma. Notre mémoire vivante nous plonge dans la tristesse, car à chaque sortie dans les quartiers d'Alger, de Blida ou d'ailleurs, on remarque que la vie culturelle se meurt de jour en jour. Même si l'espoir nous revient en passant devant la salle Ibn Khaldoun où le dernier James Bond est programmé, beaucoup reste à faire. On se demande pourquoi la salle Afrique, fermée depuis longtemps pour être aménagée afin de retrouver sa véritable vocation, attend toujours sa réouverture. Des tigres sur la scène de l'Atlas Cet état de fait nous a amenés à nous demander si un jour on pourra comme au bon vieux temps voir les enfants, les jeunes et les moins jeunes se rendant régulièrement au cinéma. A Bab El Oued, la salle Atlas était parmi les dix plus grandes au monde. Construite par Saberras dans les années vingt, la salle Atlas (ex-Majestic) pouvait accueillir 4000 spectateurs et 400 comédiens pouvaient monter en même temps sur son immense scène. Dans ses sous-sols, il y avait des cages pour les fauves au cas où un cirque était invité à donner des spectacles. Entre 1910 et 1920, il n'y avait que quelques salles de cinéma à Alger, notamment Le Variété et le Plateau à Bab El Oued, Le Régent à la rue Ben M'hidi et une autre au Bd des Martyrs. A El Biar, il n'y a plus de salle de cinéma. La salle El Feth, ex-Beaulieu, a été transformée en salle des fêtes et le petit hall en salle d'exposition. La salle Rex, située plus haut que le Cheval blanc, est quant à elle pratiquement fermée depuis plusieurs années. A Birmandreis, la petite salle qui existait jusqu'au lendemain de l'indépendance a été démolie mais jamais remplacée. Bouzaréah, qui était dotée d'une salle des fêtes et d'un cinéma (Le Ciné Pop) sans parler de la salle de la Kasma qui abritait toutes les activités artistiques, attend que des gérants sérieux réaménagent au moins une salle. A Bab El Oued, Belouizdad et Alger-Centre, on avait un vaste choix de films et de salles. Du côté de Bologuine (Deux- Moulins), l'ancienne salle est en bon état mais largement sous-utilisée. Notre mémoire nous ramène aussi à 1959, lorsque Edith Piaf avait chanté sur la scène du Casino Music Hall à la rue Ben M'hidi. En cette période, les femmes d'Alger se déplaçaient tous les lundis après- midi pour assister aux séances spéciales femmes (théâtre et musique) programmées à l'Opéra d' Alger (TNA) construit vers 1860. Qui se souvient de Miami ? A Blida, dans les années 1950 et 1960, jeunes, enfants et vieux ne rataient pas les séances de cinéma de la salle Miami à la Place Ettout aujourd'hui fermée. Miami tout comme Le Versailles faisaient partie du paysage culturel de la ville des Roses. A Médéa, vers 1930, les jeunes allaient régulièrement au Mondial pour ne pas rater les épisodes d'un film américain. Au lendemain de l'indépendance, il y avait quatre salles de cinéma à Médéa, alors qu'aujourd'hui, il n'y en a aucune. Heureusement que la direction de la culture actuelle de cette wilaya a tracé un programme pour la relance de l'activité culturelle, dont le cinéma. Cette mémoire qui nous fait souffrir nous secoue à chaque moment que l'on passe par ces villes et ces quartiers car, pour le cinéma algérien, malgré les efforts que l'on constate au niveau de certains organismes, dont le ministère de la Culture, beaucoup reste à faire.