Il nous arrive parfois de regretter d'avoir une bonne mémoire, même si on sait que des efforts sont déployés pour la relance du cinéma en Algérie.Notre mémoire vivante nous plonge dans une tristesse, car à chaque sortie dans les quartiers d'Alger, de Blida ou d'ailleurs, on remarque que la vie culturelle se meurt de jour en jour. Même si l'espoir nous revient en passant devant la salle Mougar, où le film Mascarades fait salle comble avec ses quatre séances quotidiennes, on s'inquiète toujours. La salle Afrique, fermée depuis longtemps pour être aménagée afin de retrouver sa véritable vocation, attend toujours sa réouverture. Des tigres sur la scène de l'Atlas A Bab El Oued, la salle Tamghout, ex-Marignan, est également fermée pour restauration, alors que la salle Atlas, dont l'inauguration était prévue pour l'événement «Alger, capitale de la culture arabe 2007», attendrait toujours des installations techniques pour être ouverte au public. Il faut rappeler que cette salle était parmi les dix plus grandes au monde. Construite par Saberras dans les années vingt, la salle Atlas (Majestic) pouvait accueillir 4000 spectateurs et 400 comédiens pouvaient monter en même temps sur l'immense scène. Dans ses sous-sols, il y avait des cages pour fauves au cas où un cirque était invité à donner des spectacles. Entre 1910 et 1920, il n'y avait que quelques salles de cinéma à Alger, notamment Variétés et Plateau à Bab El Oued, Le Régent à la rue Ben M'hidi et une autre au boulevard des martyrs. A El Biar, il n'y a plus de salle de cinéma. La salle El Feth, ex-Beaulieu, a été transformée en salle des fêtes et le petit hall en salle d'exposition. La salle Rex, située plus haut que le Cheval blanc, est, quant à elle, fermée depuis plusieurs années. Après sa rénovation, ce cinéma, qui n'a pas été rouvert, est aujourd'hui à l'abandon. On ne sait pas pourquoi l'APC ne procéderait-elle pas à sa mise en location ou à sa vente ? Cinéma ou dépotoir ? Le Français, qui était l'un des plus beaux cinémas dans les années 1970 avant de devenir une annexe de la Cinémathèque algérienne, offre aujourd'hui le plus mauvais des spectacles. A l'entrée, il n'y a que les chats sauvages qui rôdent autour des ordures. On se demande pourquoi l'APC de Sidi M'hamed, à qui appartient cette salle, ne réagit pas. Le mieux est que le ministère de la Culture reprenne ces cinémas et les mette en location ou à la vente avec un cahier des charges. Il faut noter qu'au niveau national, plusieurs cinémathèques sont en rénovation. A Bir Mourad Raïs, la petite salle qui existait jusqu'au lendemain de l'Indépendance a été démolie, mais jamais remplacée. Bouzaréah, qui était dotée d'une salle des fêtes et d'un cinéma (Le Ciné Pop), sans parler de la salle de la kasma qui abritait toutes les activités artistiques, attend que des gérants sérieux réaménagent au moins une salle. A Bab El Oued, à Belouizdad et à Alger-Centre, on avait un vaste choix de films et de salles. Du côté de Bologhine (Deux moulins), l'ancienne salle est en bon état, mais largement sous-utilisée. La salle de Zéralda rénovée, mais… La salle de cinéma attenante à l'APC de Zéralda, qui a été restaurée et inaugurée par l'organisation d'un tournoi d'échecs avec le concours de l'académie des échecs et de l'APC, attend toujours sa vraie destinée. Bien que le nouveau P/APC encourage la culture, l'attente a quelque peu duré pour que les habitants de Zéralda puissent voir quotidiennement des films. A Chéraga, la salle Sahel, qui se trouve en plein centre de la commune, est complètement abandonnée. Notre mémoire nous ramène aussi à 1959, lorsque Edith Piaf avait chanté sur la scène du Casino Music Hall à la rue Ben M'hidi. En cette période, les femmes d'Alger se déplaçaient tous les lundis après-midi pour assister aux séances spéciales femmes (théâtre et musique) programmées à l'Opéra d'Alger (TNA) construit vers 1860. Qui se souvient de Miami ? A Blida, dans les années 50 et 60, jeunes, enfants et vieux ne rataient pas les séances de cinéma de la salle Miami, à la place Ettout, aujourd'hui fermée. Miami, tout comme Le Versailles, faisaient partie du paysage culturel de la ville des Roses. A Médéa, vers 1930, les jeunes allaient régulièrement au Mondial pour ne pas rater les épisodes d'un film américain. Heureusement que la direction de la culture actuelle de cette wilaya a tracé un programme pour la relance de l'activité culturelle dont le cinéma. Cette mémoire qui nous fait souffrir nous secoue à chaque moment que l'on passe par ces villes et ces quartiers, car, pour le cinéma algérien, malgré les efforts que l'on constate au niveau de certains organismes, dont le ministère de la Culture, «autrefois» est mieux que «maintenant».