Deux milliards et demi c'est le budget qu'a coûté Madame Courage au réalisateur Merzak Allouache. Bien plus si l'on considère qu'il a eu cet argent d'ailleurs qu'en Algérie pour produire ce film, considéré comme une véritable gifle à la société actuelle. «Je suis très content d'avoir vu ce film avec le public algérien. Une petite partie du public algérien. J'ai vu les réactions. J'ai vu qu'on comprend les choses que je raconte. Qu'on réagit à des choses diverses et je suis content parce que c'est le résultat de mon travail», a indiqué le réalisateur Merzak Allouache en ouverture de la conférence de presse qu'il a animée samedi soir au théâtre Azzedine-Medjoubi. Merzak Allouache était ravi de constater l'engouement qu'a suscité Madame courage auprès du public venu en force assister à la première projection de son film en Algérie. En effet, le dernier film du réalisateur a peut-être fait le tour des festivals et salles dans le monde, mais il n'a jamais été invité en Algérie. Et à ce propos, Merzak Allouache n'a pas souhaité revenir sur le conflit qui l'a opposé au ministère de la culture. Un conflit qui a poussé Azzedine Mihoubi, ministre de la culture, à exiger du réalisateur de restituer le budget qui lui a été octroyé par le ministère de la culture parce que son film a été projeté en Israël. «Sérieusement, il y a eu quelque chose et je n'ai plus envie de parler de ça. J'ai donné une interview à un journal arabophone important. J'ai demandé au journaliste de me poser toutes les questions qu'il voulait. Pour moi l'affaire est close. Je suis un cinéaste et personne ne m'empêchera de tourner», a déclaré Merzak Allouache. L'affaire est close en effet, puisque Madame courage est projeté dans un cadre étatique. Ce même cadre qui tente chaque fois de réduire les libertés de création hors du politiquement correct. Allouache c'est çà et c'est surtout la liberté de reproduire au grand écran la réalité affolante d'une Algérie qui décline au même rythme que sa jeunesse. Une jeunesse livrée à un avenir incertain, et qui aujourd'hui flotte sur les rives d'une méditerranée qui la recrache. Amère réalité qu'est ce film au scénario violent, cinglant, bouleversant à travers le quotidien d'un jeune adolescent devenu voyou à force de misère. Omar vit dans un bidonville avec une mère vomissant sa maternité et une sœur réduite à se prostituer pour survivre. Lui, il se débrouille comme il peut mais surtout en arrachant sans aucune pitié les bijoux et sacs des femmes qu'il croise sur sa route le jour. Une routine misérable qui pourtant va changer le cours de sa vie lorsqu'il décide d'arracher la chaînette de la jeune Selma. L'ingénue adolescente, elle, lui volera son cœur. Il lui rendra son bijou légué par sa mère défunte mais ne la lâchera plus jamais. Premiers émois, premiers sourires, Omar continue pourtant à noyer son mal-être au fond d'une bouteille en plastique d'alcool frelaté. Comme il continue à avaler des drogues hallucinogènes. Dans Madame Courage, Allouache n'a pas fait de compromis à ses concitoyens. Pas de parallèle à faire non plus avec son œuvre Omar Guatlatou, si ce n'est le prénom de l'acteur principal, Omar. Mais la distance est énorme entre «la redjla» (machisme) de Omar guatlatou et le déclin annoncé de Omar dans Madame courage. L'écart est grand et l'espoir d'émerger amoindri.