A quatre jours du deuxième tour des élections régionales en France, le président François Hollande a réagi «indirectement» à la victoire au premier tour du Front national. Il s'est même immiscé dans la campagne électorale en invoquant la «défense des valeurs de la République» contre l'extrême droite. François Hollande craint donc un triomphe de la chef de file du FN, Marine Le Pen, lors de la présidentielle de 2017 si jamais le parti emporterait la majorité dans quelques régions. Dans une pique à peine voilée à son prédécesseur de droite, Nicolas Sarkozy, le chef de l'Etat français, cité par le porte-parole du gouvernement, a appelé «tous les responsables politiques» à «la clarté dans les attitudes, dans les comportements et dans les choix». «C'est aussi un enjeu d'unité», a ajouté le président socialiste, jouant la carte de l'union nationale qui a contribué à redorer sa popularité depuis les attentats de Paris (130 morts). A quatre jours du second tour des régionales, la gauche au pouvoir et l'opposition de droite voudraient empêcher dimanche la prise inédite d'une ou plusieurs régions par le Front national (FN) de Marine Le Pen. Le PS au pouvoir a retiré ses candidats au profit de la droite dans des régions clés susceptibles de basculer à l'extrême droite. Le parti Les Républicains (LR) de Nicolas Sarkozy a, sous sa houlette, rejeté en revanche tout désistement ou alliance à gauche. La position des socialistes est vue par certains comme une stratégie visant à présenter François Hollande comme le meilleur rempart contre Marine Le Pen à la présidentielle de 2017. «L'Exécutif joue le coup d'après», résumait mercredi le quotidien de gauche «Libération». L'enjeu des régionales est énorme pour Sarkozy : une victoire de l'extrême droite risque de mettre à mal ses ambitions pour la primaire présidentielle à droite prévue à l'automne 2016. Depuis son retour en politique fin 2014, l'ancien président (2007-2012) a échoué dans sa stratégie d'endiguer le FN en tenant le cap d'une droite «décomplexée», pointent nombre d'élus LR. Loin du raz-de-marée espéré, les résultats du premier tour des régionales, le 6 décembre, ont été décevants pour Les Républicains, devancés par le FN. Sarkozy en position délicate Le parti de Marine Le Pen a enregistré un succès sans précédent, virant en tête dans six régions sur 13 et engrangeant un score national record de 27,7%. Dès lundi, Alain Juppé, principal rival de Nicolas Sarkozy pour la primaire à droite, a jugé que les Républicains n'étaient «plus audibles» et prôné un aggiornamento à l'issue des régionales. Le FN aborde le second tour avec une solide avance notamment dans le nord de la France (Nord-Pas-de-Calais-Picardie) avec Marine Le Pen et dans le sud-est (Provence Alpes Côte-d'Azur) avec sa nièce Marion Maréchal-Le Pen. Les deux femmes ont obtenu plus de 40% au premier tour, loin devant deux anciens ministres de droite qu'elles affronteront en duel dimanche après le retrait de la gauche. Le bras droit de Marine Le Pen, Florian Philippot, est lui aussi en position de force en Alsace Champagne-Ardennes Lorraine (est), dans une triangulaire face à la droite et à un candidat socialiste entré en dissidence contre le PS dont il a ignoré la consigne de retrait. Le FN peut aussi tirer son épingle du jeu dans d'autres régions aux triangulaires serrées, comme la Bourgogne-Franche Comté (centre-est). Le Premier ministre socialiste, Manuel Valls, a martelé, hier, que la gauche n'avait «pas d'hésitation à avoir» à voter pour la droite en cas de duel avec l'extrême droite, dénonçant la «supercherie» du discours nationaliste et anti-immigrés du FN. «C'est une arnaque, le Front national», a-t-il dénoncé, ciblant ses propositions économiques comme la sortie de l'euro, aussi dénoncées par le patronat et les syndicats, qui «mettrait le pays à genoux». Nicolas Sarkozy a fustigé lui aussi le programme «parfaitement incohérent» de Marine Le Pen et appelé les électeurs à ne pas donner leur voix à «quelqu'un qui n'a aucune expérience, qui créera le désordre, le chaos». Signe de la situation délicate de l'ancien président, plusieurs têtes de liste de droite ont refusé sa venue dans leurs meetings de campagne, dont Xavier Bertrand, l'adversaire de Marine Le Pen dans le Nord.