A quelques jours de la célébration du Mawlid Ennabaoui echarif, prévu jeudi, le bruit assourdissant des pétards rappelle, comme chaque année, que la vente des produits pyrotechniques est toujours florissante malgré son interdiction. Les quartiers populaires, les grandes artères commerciales à l'image du 1er Mai, de la place des Martyrs, Djamaâ Lihoud, La Casbah, Bab El Oued… Aucune artère de la capitale n'échappe à cette frénésie commerciale. Ces pétards, que les fabricants chinois rendent chaque année plus «détonantes» en matière de bruit et plus attirantes sur le plan de l'emballage, comme «double bombe» et «chitana» pour inciter les jeunes à l'achat de ces produits. De nouvelles marques de pétards sont même proposées cette année. Il s'agit du «Volcan», un produit qui n'est pas explosif mais qui illumine la nuit avec différentes couleurs. Destiné principalement aux enfants, il est cédé à 200 DA. Un autre nouveau produit, qui a du succès auprès des parents qui n'aiment pas les explosifs et les risques de danger, est également proposé. Il s'agit du «Bouq» dont le prix est de 120 DA. Si certains optent pour des feux d'artifice et des pétards de couleur, d'autres préfèrent des produits qui font plus de bruit et de dégâts comme les «bombes» traditionnelles cédées à 5000 DA. Elles ont la forme d'un oignon et sont beaucoup plus dangereuses et explosives. Sur les tables des revendeurs à la sauvette, on y trouve des produits pyrotechniques de toutes sortes. L'interdiction de ces produits et le danger qu'ils comportent ne semblent pas déranger les nombreuses personnes qui se bousculent devant ces étals. Les enfants venus accompagner leurs parents, repartent souriants avec un sachet plein de pétards. Les parents semblent insouciants et même… heureux. «Le plus important est de faire plaisir aux enfants», indique un père accompagné de ses deux bambins. Le vendeur tente également de rassurer toute personne hésitante. «Il n'y a aucun danger madame», lance-t-il à une potentielle cliente. Les consignes de sécurité restent orales : «Tu allumes le feu d'artifice et tu t'éloignes, c'est aussi simple que ça, il n'y a donc aucun danger pour l'enfant», insiste un des vendeurs. En dépit des risques que ces produits présentent, ils sont vendus au su et au vu de tout le monde, services de sécurité y compris. Or, les pétards sont interdits par la réglementation car étant potentiellement dangereux, et font l'objet de saisies régulières des services de douanes. Mais comment ces produits parviennent-ils à passer nos frontières ? Des quantités échappent aux Douanes Contacté à ce sujet, le chargé de communication de la direction générale des Douanes, Yacine Tanem, affirme que ces produits sont généralement acheminés via les frontières terrestres par transit du Maroc et surtout de la Tunisie. Il reconnaît toutefois qu'au niveau des ports, notamment au port d'Alger, de petites quantités échappent parfois au contrôle des agents des Douanes. «Les importateurs frauduleux émettent de fausses déclarations et parviennent à dissimuler des quantités de ces produits à l'arrière des conteneurs», nous a-t-il confié, ajoutant que «les agents ne peuvent pas contrôler tous les conteneurs car il leur faut au minimum 3 à 4 jours pour le faire». Un total de 2 681 000 unités de pyrotechniques pour une valeur de 23 681 000 DA ont été saisies de janvier à septembre 2015. La police et la gendarmerie mettent aussi la main à la pâte et procèdent à des saisies sur la voie publique. Plus de 215 000 pétards ont été ainsi récupérés ces derniers jours dans plusieurs wilayas du pays. Néanmoins, et malgré le renforcement des dispositifs de contrôle, les services des Douanes peinent à détruire les réseaux informels de contrebande. D'autant que ces réseaux, qui importent clandestinement d'Asie notamment, arrivent facilement à se reconstituer, à faire entrer ces produits sur le territoire national par le biais de faux registres du commerce et de fausses déclarations, et les «distribuer» ensuite facilement. Cette incapacité à contrecarrer efficacement ce phénomène, plutôt cette «permissivité», s'avère dangereuse, dans la mesure où elle ouvre la voie à toutes les dérives possibles. … Un décès déjà ! La célébration du Mawlid Ennabaoui n'a pas encore eu lieu que déjà on enregistre une victime. Abderrahmane, un père de famille a perdu la vie, avant-hier, alors qu'il était en plein exercice de sa fonction dans la commune d'Aïn Naâdja (Alger). Mécanicien de métier, il s'était penché sur le moteur d'une voiture, quand un groupe d'enfants lui a jeté un pétard qui a provoqué une explosion. Abderrahmane a rendu l'âme sur place. Même si ce type de drame n'est pas très courant, l'usage de produits pyrotechniques présente des risques importants. La Protection civile atteste, pour sa part, que l'année dernière il y avait moins d'accidents par rapport à 2014 où il y a eu un mort (un enfant de 12 ans) et une centaine de blessés. «Grâce aux différentes campagnes de sensibilisation, on enregistre moins de drames durant cette fête», nous a affirmé le colonel Zohir Benamzal. En 2015, poursuit-il, nous avions relevé seulement 4 blessés et 7 incendies a travers tout le territoire national. «C'est une avancée remarquable, car les gens ont pris conscience des dangers», a-t-il indiqué, soulignant toutefois la nécessité de lutter contre la commercialisation des produits pyrotechniques qui demeurent un risque pour la santé publique. La réglementation est claire La loi est claire, la fabrication et la vente des pétards et produits pyrotechniques sont interdites par le décret n°63-291 du 2 août 1963. Selon le premier article de ce décret, la fabrication, l'importation et la vente de pétards et tous les articles pyrotechniques du genre bombe cartouche ou bombe fantaisie sont prohibées sur le territoire national. Le jet de pétards sur la voie publique est également interdit (article 2). Les contrevenants aux dispositions des 1er et 2e articles sont passibles de peines pouvant aller jusqu'à deux mois d'emprisonnement et d'une amende, outre leur confiscation, selon le décret.