Le Pilier, titre d'un roman de Yachar Kemal, connu pour sa trilogie à grand succès : Memed le faucon, le Retour de Memed et le Dernier combat de Memed le mince. Cet écrivain prolifique tire sa force de son enfance difficile et de son vécu et ses romans se lisent comme ceux de Garcia Marquez, ou plutôt comme les Contes des Milles et Une Nuits. A travers ce grand roman, Kemal nous fait découvrir un monde rude et complexe où il décrit à la balzacienne des personnages profonds ou «légers» avec un grand art. C'est aussi, Méryémdjè, la vieille paysanne anatolienne. Comme tous ceux de son village, poussée par la faim, elle s'est mise en route vers la plaine d'Adana, où pousse le coton, où il y aura peut-être du travail et à manger. Le Pilier est un ouvrage exceptionnel et intemporel, parfois violent, parce qu'il s'inspire d'une réalité qui se produit dans toutes les sociétés. Les situations n'ont pas d'âge, elles pourraient avoir mille ans comme se passer en ce moment. Un livre sur la philosophie de la vie d'une portée politique. «C'était un homme doux, d'une grande piété. Dans le village, il n'y avait que lui qui n'eût jamais abandonné sa prière, la faisant tous les jours des douze mois de l'année. Son plus grand désir était d'aller à La Mecque. C'est pour cela que malgré son âge avancé, c'était toujours lui qui, parmi les villageois, ramassait le plus de coton. La douleur Il ne dépensait pas un sou de ce qu'il gagnait, il n'achetait jamais de quoi vêtir ses enfants et sa femme. Ils se seraient promenés tout nus s'ils ne tissaient eux-mêmes ce qu'il fallait pour se vêtir.» Ici, on découvre un monde poignant dont les personnages sont taraudés par la misère et le laisser pour compte et dont l'auteur a su cerner avec art leur comportement. Né en 1922, au moment où la Turquie est sur le point d'achever sa guerre d'indépendance, Yachar Kemal a vécu de près, dans la région des monts Taurus, au sud-est du pays, les situations qu'il décrit. Memed le Mince est son troisième roman publié en turc en 1955. Il sera très vite traduit en de nombreuses langues. Le cœur de ce long récit, c'est aussi cette progression hallucinée, ce calvaire aux terribles étapes qui mènera Ali et sa famille auprès de son cheval mort dans le champ de coton. Yachar Kemal, cet auteur qui savait la douleur des gens, car lui-même avait mené une dure existence, disait : «Il y a bien des choses faciles en ce monde, ce qui est difficile c'est d'être un homme !»