Le Temps d'Algérie : Le discours d'Obama tranche catégoriquement avec celui de son prédécesseur en ce sens qu'il est plus consensuel. Cela signifie-t-il pour autant un changement de ton dans la politique américaine à l'égard du monde arabo-musulman ? Nasser Lahham : Je pense qu'il y a un changement important en quantité et qualité de la politique américaine envers le monde arabe et musulman. Seuls les aveugles ne voient pas la différence entre la politique de Bush et celle d'Obama. Et même si je peux comprendre ceux qui ne font pas confiance à la politique américaine (non impartiale et en faveur d'Israël) au Proche-Orient, cela ne signifie pas pour autant que le gouvernement Bush ne diffère pas d'Obama. En ce sens que c'est le peuple américain qui a choisi Obama, pas les Arabes et, par conséquent, Obama ne peut refléter que l'intérêt du peuple américain et non pas les intérêts des Arabes ou des musulmans. Quant aux intellectuels arabes qui s'égosillent sur des chaînes satellitaires pour reprocher à Obama tel ou tel fait en tant que musulman ou arabe, ils auraient tout à gagner de faire les mêmes reproches à leurs dirigeants ... Je pense d'ailleurs que le discours d'Obama au Caire a été bien meilleur que ceux des dirigeants arabes au Sommet du Qatar ou encore ceux prononcés par les dirigeants musulmans à la conférence de Téhéran. Selon vous, que représente le monde arabo-musulman pour Washington? Washington a ses prérogatives et ses orientations ! Même si elles sont injustes, elles dirigent la civilisation, la technologie, la politique et l'économie du monde. Lorsque Washington traite avec le monde arabe et musulman, il le considère comme une source de nuisances faite de sociétés conflictuelles qui ne contribuent pas à l'édification de la civilisation moderne, mais plutôt ne savent qu'à consommer et s'autodétruire. Une idée à laquelle j'adhère abstraitement. Par conséquent, les Arabes et musulmans doivent cesser de bavarder ou de crier, servir leurs intérêts, ceux de leur personne, et être actifs et non passifs au sein de cette civilisation. Pourquoi dans son discours Obama a-t-il fait référence au Coran ? Je pense qu'Obama est réconcilié avec lui-même, sait ce qu'il veut et ne se soucie guerre des formalités: Il s'est rendu à Yad Vhim où il a porté la kipa et prié devant le Mur des lamentations avec les juifs, cité des versets coraniques avec les musulmans, comme il est aussi possible qu'il accepte la tête de la vache en Inde et s'excuse auprès des Sikhs pour le hamburger. Le problème ne réside pas là mais plutôt chez ceux qui ne sont pas réconciliés avec eux-mêmes et qui entretiennent des propos sans tenir compte de leur portée. Je pense qu'Obama est une personne digne de la chance qu'elle mérite Au cœur du monde arabo-musulman se trouve le conflit le plus vieux du monde qui mine les relations entre l'Occident et l'Orient : le conflit israélo-palestinien. Sur ce sujet encore une fois, Obama se démarque de Bush puisque qu'il reconnaît que la colonisation israélienne est délictuelle, tout en insistant sur la reconnaissance de l'Etat hébreu par les Etats arabes, si bien qu'on a l'impression que son discours est orienté surtout pour fédérer toutes les factions palestiniennes, mais aussi fouetter les relations entre les Etats-Unis et les pays arabo-musulmans… Jésus a dit quel bénéfice tirera l'homme s'il gagne le monde et perd soi-même, et donc quel est l'intérêtque le président des États-Unis parle en notre faveur ou non pendant que nous autres Palestiniens nous nous entretuons, si ce n'est que nous perdons présentement une occasion historique, sauf si nous transcendons nos différends pour concrétiser les aspirations de notre peuple : un Etat, la paix et la liberté. Aussi j'aimerais ajouter qu'avant d'exiger le retour des réfugiés, il faut exiger le retour de la confiance en soi et la foi en notre cause, car au final, le seul bénéficiaire de nos différends est Israël. Autre fait notable, dans son discours, Obama n'a à aucun moment usé du terrorisme, contrairement à Bush; doit-on déduire que désormais la lutte contre l'islamisme que compte mener Washington ne se fera plus automatiquement par les armes ? Il ne fait aucun doute qu'Obama n'hésitera pas à défendre et à attaquer les adversaires de l'Amérique. Bien qu'il soit doté de plusieurs qualités et tranche avec Bush, ne nous leurrons pas. Obama n'est pas Mère Teresa ou le pape, il reste toujours le président de l'Etat le plus fort, le plus brutal et le plus injuste dans le monde.