Les élèves du CEM Okba Ibn Nafaâ, situé en face de Dar El Hayet, non loin de M'dina Djdida, ne se sont pas présentés, jeudi dernier, aux cours alors qu'ils sont en pleine période d'examens. Du moins 20% d'entre eux, probablement avec le consentement de leurs parents ou plutôt sur leurs recommandations. Que s'est-il donc passé qui pousse à l'absentéisme de la majorité des élèves ? Revenons à la veille, dans l'après-midi. Une hystérie collective s'est emparée d'une classe avant de gagner tout l'établissement. Une situation qui a poussé le proviseur à ouvrir les portes du collège et à libérer tous ceux qui voulaient fuir. Mais fuir quoi ? La djennia qui a fait son apparition dans une classe au point que toutes les tables, cahiers et affaires ont volé en l'air. Une version des faits qui a été admise par tout le monde : parents et élèves. A des variantes près, bien évidemment. Une personne, restée lucide, nous parlera de l'évanouissement d'une élève diabétique, d'où le cri de sa camarade. De là, les hurlements ont fusé de partout provoquant une panique générale. Certains élèves stressés, probablement à cause des examens, se sont évanouis. Des jours durant, selon des témoignages de parents et de maris d'enseignantes, des évanouissements inexpliqués ont été relevés chez des élèves et même des enseignants. Fait qu'on a essayé de taire au lieu de chercher son origine. Pour certains, on n'exclut pas l'émanation de gaz toxiques d'un vieux dépôt de la Sonelgaz où sont entassés de vieux équipements. Pour d'autres, l'hypothèse d'un esprit malfaisant a été avancée et admise. Ce qui a contraint le directeur, sur pression des élèves et des enseignants, à substituer la lecture du Coran au salut de l'hymne national, à l'aide d'un haut parleur, au début et à la fin de la journée. Information qu'un agent dément catégoriquement parce que saisissant sa gravité. Alertée, la Protection civile a dépêché une flotte d'engins avec une équipe de médecins. Durant plus de deux heures, celles et ceux qui se sont évanouis ont transité par les brancards des pompiers. Par crainte de débordement, la SW a dépêché des policiers. Vite un raki ! Pendant que les médecins pompiers prodiguaient des soins à l'intérieur de la cour à une élève pour fracture, des parents ont imposé un «rakki» pour «déloger» l'esprit malfaisant qui a squatté les lieux. Aux alentours du collège, une ruelle étroite et un axe emprunté par les bus, les transports et le tramway. Les curieux qui se sont agglutinés ont donné libre court à leurs fantasmes. Certains ont profité de l'occasion pour se lancer dans des «fetwas» à la carte. Perdant tout sens du discernement, la foule a décrété que le lieu est hanté et que l'éloignement par rapport aux préceptes religieux de la part des élèves et des enseignants a favorisé la manifestation des esprits malfaisants. Une explication qu'il ne fallait surtout pas contrarier sous peine de passer pour un mécréant. Du coup, on a évacué les premiers éléments pouvant mener à une appréhension rationnelle de ce qui a eu lieu dans cet établissement scolaire, c'est-à-dire l'origine des évanouissements relevés durant plus d'une semaine. A commencer par le cadre lui-même. Le CEM est vétuste et trop étroit. Il s'apparente à une prison d'une autre époque. Et son entourage immédiat : en plus des véhicules, le CEM est cerné par un ensemble de carcasses d'immeubles en stand by transformé en décharge sauvage. Bref, le CEM n'offre pas de conditions d'épanouissement pour celles et ceux qui y passent le plus clair de leur journée. Quant au recours au «rakki», en appoint au médecin, il suffit de rappeler que l'Equipe nationale en a pris un lors de son déplacement au Brésil pour disputer la Coupe du Monde. Et muni d'un ordre de mission en bonne et due forme ! Ce même rakki est parti jusqu'à revendiquer le but qu'Antar Yahia a inscrit lors du match éliminatoire face à l'Egypte à Oum Darman au Soudan. Donc, le reste.