El Manar, El Bahdja, Erriadh ou encore le Doyen. Il ne s'agit nullement de bazar ou encore de troupe théâtrale, mais de restaurants érigés dans la périphérie algéroise, des restos qui accueillent des centaines de clients, notamment les week-ends. Les grilles et les tables dressés et entreposés à même les trottoirs renseignent sur l'affluence qui règne dans ces lieux. Halim est l'un des plus anciens propriétaires de restaurant à Draria ; sa venue remonte à l'année 2003 : «Nous étions moi et mes collègues au Ruisseau, au lieu dit «l'abattoir» et quelques mois avant de venir ici, nous avons entendu parler du projet de tramway qui traverserait nos boutiques ; donc nous avons décidé de vendre et d'acheter ailleurs pour garder toujours la réputation et créer ensemble une autre destination. C'est de là qu'est née l'idée de venir ici à Draria qui est connu maintenant par le grand public». Sur cette activité bien spécifique de la culture culinaire algérienne, notre interlocuteur nous a confié qu' «il existe environ une vingtaine de restaurants qui varient entre ceux qui possèdent une salle et ceux qui sont propriétaires de restaurant-bâtiment, soit quatre étages». «Nous nous sommes construit un empire et nous avons réorienté une masse de clients assez importante vers nous et ce, grâce à notre bonne réputation, mais surtout au savoir-faire ancestral». Le savoir-faire, un point sur lequel nous nous sommes attardés. Des brochettes de tous genres, à savoir la viande, les saucisses, la dinde, le poulet rôti, le foie et enfin le bouzelouf (tête d'agneau cuite sur de la braise). Voilà grosso-modo les spécialités des «chouwayine». Mais le plat le plus extraordinaire reste le «spécial». Un plat préparé avec grand soin par le chef et qui consiste en un mélange de viande et de poulet agrémenté avec des épices et accompagné de salade, maïs et fromage râpé. Quant aux prix, ils varient en fonction du service et de l'endroit, car il faut le signaler «il existe plusieurs classes de restaurants» ajoute Halim. Des locaux loués à 70 millions de centimes par mois Ahurissant ! Mais c'est la réalité. Draria est devenue par la force des choses une destination de rêve à des familles entières, des sociétés pour des banquets, mais aussi des étrangers voulant satisfaire la curiosité d'une culture culinaire grasse. Par conséquent, le prix de l'immobilier a monté en flèche, et selon Saïd, un habitant de Draria, «le prix de location d'un local de 100 m2 avoisine les 70 millions de centimes; c'est fou, on se croirait à Paris, Londres ou New-York». «Mais il faut reconnaître, l'interrompt Halim, que le nombre de clients est satisfaisant: par jour, on accueille quelque 100 à 150 clients». Parlant de clients justement, un petit tour de table est nécessaire. Mahmoud, assis dans un coin accompagné de sa petite famille, a bien voulu répondre et même nous inviter à prendre place et nous offrir quelques brochettes. «Je suis cadre dans une entreprise étrangère, et de temps à autre, je viens manger chez Halim qui nous accueille à chaque fois à bras ouverts». «Les prix affichés ne sont pas trop élvés pour vous ?» Mahmoud nous répond avec un sourire : «Non, c'est abordable, des brochettes de viande, dinde et saucisses sont à 25 Da et le foie à 30 Da ; concernant le plat spécial qui est un poulet complet accompagné de frites et autres salades, il est de 1000 Da, donc pour moi, c'est acceptable ; et puis je ne viens pas tous les jours». Nous retournons vers Mustapha, le gérant d'un autre restaurant, pour une petite comparaison. «Les prix sont les mêmes partout ; la différence est dans l'accueil et le service» nous fait savoir ce dernier. Et d'ajouter l'air énervé : «y a pas de pauvres en Algérie ; vous savez, je reçois des clients que je connais qui habitent des baraques, mais ils se permettent le luxe de prendre du ch'wa ; l'Algérien peut tuer pour son ventre, la majorité travaille pour manger et s'habiller, et rien d'autre». Aujourd'hui, jour de week-end, les restaurateurs se préparent pour accueillir un monde fou et le poulet est déjà sur la braise. Bon appétit.