Le célèbre boulevard central de Draria vit dans la nuit noire de ses fourneaux, éclairé seulement de braises incandescentes des barbecues. La cité est en train de sortir, bon an mal an, de l'anonymat des auto-constructions, à la faveur de la bonne chair. La ville est aujourd'hui en passe de devenir le carrefour du fin gourmet en faisant son beurre avec les bonnes brochettes. Et pour cause, Draria est en train de se frayer une bonne place dans le guide gastronomique oral, annoncé de bouche à oreille par les amateurs de brochettes et de côtelettes d'agneau. Cette avenue centrale s'ouvre au visiteur juste après un tout petit tour giratoire sur le carrefour. L'allée principale est scindée du côté droit par une enfilade de restaurants, dans le style illuminé des salles des fêtes, équipées de terrasses et d'espaces réservés strictement aux familles, tels que le Chez Nous, Kenz El Assima, El Maghreb, El Manar, El Bahdja, El Andaloussya, Nour, Les invités, Hanna et le Grand phare. Le tout bâti à proximité des minitours résidentielles. Du côté gauche, une suite de commerces multiples est édifiée au bas des immeubles de la cité 617 Logements. Des pionniers, flairant le filon dans ce nouvel eldorado des affaires, n'hésitent pas à engager des contrats de bail à des prix exorbitants, nous confie ce restaurateur : « C'est une activité en or, notamment en été. Les prix de location d'un fonds de commerce oscillent entre 100 000 et 200 000 DA ». En bref, de gros investissements pour d'abondant gains. Entre-temps, beaucoup de commerçants de la localité, dont des épiciers, se sont décidés à changer d'activité pour amasser des marges royales. Draria, il est 20h. C'est l'heure où le marché des brochettes bat son plein. Dès le début de la soirée, la circulation routière devient dense au centre-ville et bien malin celui qui pourra dégotter une place de stationnement dans les innombrables parkings régentés, comme il est de tradition, par de jeunes chômeurs. Les clients, pour la plupart des familles, affluent de partout et même des villes de l'intérieur du pays, en quête de l'emplacement idéal. Sur les avenues, on se salue et on se congratule avant de hâter subrepticement le pas vers une... hypothétique table. La soirée ne fait que commencer et déjà les salles et les terrasses des rôtisseries affichent « complet ». rabattage des clients De longues et épaisses fumées montent des façades de terrasses et annoncent précocement les prémices des repas gargantuesques. Il est des tenanciers de grill-rooms très regardants sur la qualité des prestations de services. Douibi Hakim, le patron du Chez nous, nous relate l'origine de la spécialité des chouwayine : « L'idée est née dans ce qui était la petite gargote d'El Manar, qui servait uniquement des plats de houmosse (pois chiches) pour les ouvriers des chantiers environnants. Le patron, originaire de Jijel, a eu l'ingénieuse idée de servir de la viande grillée et tout est parti de là ». Le menu est constitué d'entrées variées, de grillades, de boissons fraîches et des crèmes glacées, que l'on déguste sur un air des Aphrodites S'child du chanteur grec Demis Roussos. « Il n'est pas question que je perde un seul de mes habitués. Les clients me connaissent et ils reviennent régulièrement », nous confie notre interlocuteur. Les familles s'entassent au coude à coude et se gravent de brochettes Les terrasses ont été aménagées et redécorées de façon à allier l'esthétique et le fonctionnel. Un mariage réussi, tant l'ambiance dans ces restaurants est conviviale et chaleureuse. Les rabatteurs, constitués essentiellement de jeunes, vous abordent déjà au seuil des restaurants et vantent à qui mieux mieux la qualité de service. Bienveillants, propres, le sourire aux lèvres, ils vous reçoivent avec le plus sympathique accueil. Dans l'établissement Chez Nous, une nouveauté a été introduite dans le but évident d'attirer de plus en plus de clientèle. Il s'agit d'un espace aménagé pour les enfants où des jeux et des attractions ont été installés. Précisons que ce restaurant est l'unique à avoir initié ce genre de « nouveauté », réservée uniquement à sa clientèle. Autre création, celle de cette galerie d'art où plus d'une dizaine de fresques peintes par un artiste amateur (ancien serveur du restaurant). Cette idée témoigne de l'intérêt que porte le patron de cet établissement familial à l'art. « Nous avons jugé utile de donner une chance à M. Abbas afin qu'il évolue et qu'il exprime ses talents », atteste le gérant de Entre Nous. Seul bémol, les prix des brochettes sont proposées à 40 DA l'unité. Nadir Kerri , Nazim Djebahi