Paru aux éditions Anep, Instantanés sur une époque est un recueil de chroniques qu'avait écrit l'auteur à une époque où il était encore possible de sauver ce qui restait d'Alger la blanche. «Alger est le lien solide qui nous lie encore à un passé récent où les citadins pouvaient encore profiter des trésors d'une cité généreuse et riche de lieux exceptionnels. Les Instantanés nous renvoient à des scènes inoubliable et à des endroits chargés d'histoire qui immortalisaient la richesse d'une capitale où il faisait bon vivre», peut-on lire en couverture du livre. Ce dernier fait suite aux précédents ouvrages qu'a publiés l'auteur, Chroniques algéroises - La Casbah et «Les jeux de notre enfance» publiés aux éditions Anep, l'un ne pouvant se passer de l'autre. «Quand on parle de la nature même de la Casbah, de sa culture et de son savoir- vivre, on ne peut pas passer sous silence les jeux de notre enfance», dira Noureddine Louhal lors de la vente-dédicace qu'il a donnée avant-hier à la librairie générale d'El Biar à Alger. En effet, à travers Instantanées d'une époque, Louhal fait découvrir pour certains et redécouvrir pour d'autres, Alger la blanche. A travers une compilation de ses chroniques écrites pour les quotidiens El Watan et l'Authentique durant les années 1990/2000, l'auteur nous immerge dans les zniqat (ruelles) de la capitale, dans ses cafés, ses jardins, ses salles de cinéma… Il nous raconte l'ambiance conviviale qui régnait dans les quartiers, le respect que les citadins vouaient à autrui et à leur ville, l'ambiance bon enfant et tout le charivari que dégageait la jeunesse de l'époque. «C'était une belle époque où filles et garçons jouaient en même temps aux mêmes jeux. C'était des moments exceptionnels au point où Bent El Houma (la fille du quartier) était quelque chose de sacré. Je pense que c'est d'une part les jeux de notre enfance et toute cette ambiance dans laquelle nous avons grandi qui ont concouru à faire de nous les parents que nous sommes aujourd'hui», nous a-t-il confié. L'auteur et journaliste raconte aussi comment La blanche Alger qui scintillait de mille feux a vu sa «nature» se dégrader et perdre au fil des années sa particularité et tout ce qui faisait son authenticité. «El Qualâa (la citadelle) n'a de cesse de hurler le tourment d'une cité qui perd peu à peu ses repères. A commencer par l'altération de la «candeur» de ses murs qu'on ne voit plus derrière l'écran de graffitis et qui l'enlaidissent autant que l'amalgame de kits paraboles et de… clim», écrit-il dans le livre. En outre, le lecteur découvrira dans cet ouvrage des lieux qui portent des noms oubliés tels que Djamaâ Farès (La grande synagogue juive de La Casbah d'Alger)… les richesses historiques et culturelles de la rue Tanger mais aussi tout ce qu'il y a dans la capitale actuelle, de parking payant, de malbouffe, des mots dialectaux insolites…» À notre époque, on n'avait rien mais on partageait tout car on a vécu dans une époque d'interdits. Il y avait tout de même une classe sociale qui était plus favorisée que les autres, mais quand même, on a réussi à tirer notre épingle du jeu. Il faut admettre que notre génération était en continuelle quête de culture, on ne savait pas discuter d'autres choses. Le trabendo, l'argent, vendre et acheter… ça aurait été impossible de discuter de cela dans la rue à notre époque», a-t-il ajouté. Nostalgie Toute une vie culturelle et sociale est en branle dans Instantanés d'une époque. C'est aussi des interrogations que pose Louhal tout en tirant la sonnette d'alarme sur tout ce qui faisait d'Alger ce qu'elle était. L'identité algéroise qui «s'émiette» a plus que jamais besoin d'être sauvée. «On est en train de perdre un butin de guerre, notre style architectural ottoman, hérité au même titre que la langue française est en déclin», dit-il en soulignant que tout changement est une volonté politique. «On a beau nous dire que la parabole a tué le cinéma, je ne suis pas d'accord. pourquoi cela n'arrive-t-il que chez nous, nos voisins tunisiens et marocains ont toujours leurs salles de cinéma, cela ne s'est pas fait non plus à Paris ou à New York, les gens continuent à aller au cinéma». Fervent Casbadji et éternel épris et nostalgique d'Alger, thème principal de tous ses écris, Noureddine Louhal dira par ailleurs qu'il est urgent d'investir et d'écrire sur cette Algérie qui ne demande qu'à être exploitée, d'aller vers les populations qui vivent au fin fond de l'Algérie et qui ne demandent qu'a être écoutées. «Vous ne pouvez pas imaginer ce que le petit bonhomme assis dans le café d'un village éloigné de l'Algérie profonde pourrait vous raconter. C'est pour cela qu'on dit que lorsqu'un algérien meurt, c'est une bibliothèque qui brûle». S. B. Instantanés sur une époque, de Noureddine Louhal, Anep Editions, (octobre 2015), 250 pages. 700 DA.