L'Arabie saoudite qui ne cesse de perdre du terrain et de son influence dans le bourbier syrien supporte mal les positions de principe algériennes. Une aubaine pour la Syrie qui, naturellement, va rentabiliser politiquement ce déplacement ne serait-ce que pour narguer les monarchies du Golfe. Le ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue des Etats arabes, Abdelkader Messahel, effectue depuis hier une visite de travail en Syrie. Accompagné d'une forte délégation, le ministre algérien prend part à la réunion du Comité de suivi algéro-syrien. Outre la coopération bilatérale, il s'agit en fait d'une visite à forte charge symbolique. D'abord, c'est un déplacement qui intervient dans une conjoncture où la Syrie continue de subir un embargo diplomatique de fait imposé par les puissances occidentales. Damas, assurément, profitera de cette visite pour redorer l'image d'un pays «infréquentable» aux yeux de la majorité des pays arabes. La Syrie, ensuite, tentera de rentabiliser politiquement ce déplacement pour narguer son voisin ennemi, l'Arabie saoudite, qui n'a pas manqué de redoubler les manoeuvres pour isoler ce pays et l'enfoncer davantage dans le chaos. Sur ce plan précisément, Alger, encore une fois, risque de provoquer une levée de boucliers chez les monarchies du Golfe qui voient dans tout rapprochement avec Damas une menace potentielle aux plans de déstabilisation conduits par Riyad. On l'aura d'ailleurs déjà vérifié, lors de la dernière visite effectuée à Alger par le ministre des Affaires étrangères, Walid Al-Moallem, le 30 mars dernier. Le déplacement du ministre syrien avait suscité l'ire des pétromonarchies. L'Arabie saoudite, qui ne cesse de perdre du terrain et de son influence dans le théâtre syrien, supporte mal l'autonomie diplomatique algérienne. L'Algérie, en campant sur ses positions doctrinales de non-ingérence dans les affaires des autres Etats et en privilégiant les voies diplomatiques, politiques et pacifiques dans le règlement des conflits, ne manque pas de se faire des ennemis, mais ne cède sur aucun de ses principes. Ses choix politiques sur la scène internationale intriguent et contrarient au plus haut niveau les promoteurs de la solution militaire regroupés, notamment dans le Conseil de coopération du Golfe (CCG) composé par six monarchies, dont les plus actives sont l'Arabie saoudite et le Qatar. Principe de non-ingérence Devrait-on s'attendre pour autant à une rupture ? On n'en est pas encore là, mais le soutien récent de quelques pays du Golfe au Maroc sur le dossier du Sahara occidental risque fort bien d'accentuer l'écart diplomatique déjà très visible. Autre signe de désaccord, les positions de l'Algérie très mal perçues au sein de la Ligue arabe, devenue par la force des choses et des événements une simple coquille vide. L'Irak, la Libye, la Syrie, le Yémen… sont autant de dossiers sur lesquels Alger marque profondément ses divergences avec l'organisation panarabe. Dernière fâcherie en date, le refus de l'Algérie de «blacklister» l'organisation du Hezbollah, alors que la Ligue arabe s'empressait de coller au mouvement libanais le titre «d'organisation terroriste». La diplomatie algérienne, sur ce plan, s'est profondément distinguée en s'opposant aux choix de la Ligue arabe devenue une simple «machin», une caisse de résonnance. «L'Algérie, pour qui la non-immixtion dans les affaires internes des autres pays est l'un des principes directeurs de sa politique étrangère, s'interdit toute interférence dans ce dossier et refuse de s'exprimer en lieu et place des Libanais dans une affaire qui les concerne d'une manière exclusive», a rappelé le ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra. Une position d'ailleurs saluée par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans son discours du 7 mars. Au nom de ce principe de non-ingérence, l'Algérie, qui a déjà refusé de participer à la coalition armée en Syrie et au Yémen, à l'initiative de l'Arabie saoudite, en mars 2015, ne cesse de marquer ses différences et de gagner par là même l'adhésion du peuple algérien, mais aussi le respect de nombreux pays étrangers. Hier, en Syrie, Abdelkader Messahel, a réaffirmé la solidarité de l'Algérie avec la Syrie dans son épreuve, soulignant l'importance du dialogue et de la réconciliation pour sortir de la crise. M. Messahel a déclaré à son arrivée à Damas «qu'en Algérie, nous avons toujours privilégié la solution politique», tout en soulignant l'importance pour la Syrie de réaliser la réconciliation nationale.