On sait bien que Mohamed Touri a été parmi les plus grands comiques du siècle dernier aux côtés de Ksentini, Hassan Hassani, Rouiched, Sid Ali Fernandel, mais on oublie souvent qu'il est mort après avoir été torturé durant la guerre de libération. En effet, le comédien qui a fait les beaux jours du théâtre et de la télévision algérienne est mort le 29 avril 1959, suite aux séances répétées qu'il subissait dans les geôles des soldats français. Issu d'une famille conservatrice de Blida, tout petit, Mohamed Touri a pris des cours à M'sid Ellouha (l'école coranique) chez Cheikh Berboucha dans la ville des roses puis alla se perfectionner à Constantine à la Medersa dirigée par l'association des Ouléma. Bien que passé par ces écoles religieuses, Touri ne pouvait rater la carrière de comique. En effet, le jeune Blidéen avait toutes les qualités d'artiste et des dons pour faire rire son entourage. Sa grande taille, ses longs bras et son don pour l'improvisation ont fait de lui, l'un des artistes les plus aimés de son époque. A 14 ans, il adhéra à l'association El Amel au sein des scouts musulmans de Blida. Cette troupe avait été créée par Moussa Kheddioui, le père fondateur de toutes les associations culturelles et sportives blidéennes du début du siècle dernier. Le jeune Touri se fait remarquer au sein de ce groupe mais il veut persévérer et apprendre sérieusement le métier d'artiste. Pour cela, il rejoint l'association El Hayat que dirigeait le grand maître de la musique andalouse Mahieddine Lakhal. C'est là qu'il fera connaissance avec de grands artistes tels que Dahmane Benachour et Benguergoura. En cette période, Blida était l'une des villes les plus actives en matière d'art. Mustapha Bentchoubane suivait la voie de Rachid Ksentini, le comédien algérien le plus doué de tous les temps, aux côtés de Hassan Hassani. La concurrence était rude car à Alger, d'autres comédiens allaient monter sur scène. Rouiched faisait ses débuts dans la troupe Redha Bey (dirigée par Mahboub Stambouli) en jouant son premier rôle dans le sketch Dara Fe Square alors que Sid Ali Houat, dit Fernandel, allait faire un tabac avec ses chansons Balek Metrig et Yemma, Merti, Ouana. Badreddine Bouroubi qui est également un grand chanteur compositeur et comédien comique a fait partie de la troupe Redha Bey. Il a enregistré des disques Durant la même période, Hassan Hassani avait aussi créé une troupe à Berrouaghia et se préparait à faire une entrée fracassante dans la capitale. Passant au statut de vrai professionnel, Mohamed Touri rejoindra la troupe de Bachtarzi qui lui ouvrira les portes du théâtre radiophonique en parallèle à la participation aux tournées Mahieddine. Suivant la voie de Ksentini, Touri se fera connaître pour ses rôles dans Le boxeur, Zâit, Mâit Ou Neggaz El Hit et Bouhadba dont certains textes auraient été écrits par lui. Son sketch Bkhour ya Bkhour est l'un des plus célèbres car la télévision le repasse à certaines occasions. Il rejoindra en 1947 l'Opéra d'Alger dont la section arabe qui était dirigée par Mahieddine. D'autres artistes tels que Mustapha Kateb et Allel El Mouhib travaillaient déjà à l'opéra. Kateb qui sera à la direction de la troupe du FLN ne pourra jamais faire appel à Touri car il était emprisonné à Serkadji. En effet, tout comme Hassan El Hassani, Tayeb Abou Elhassan et beaucoup d'autres artistes qui étaient, soit en prison ou au Djebel, Mohamed Touri ne fera pas partie de la troupe du FLN. A peine deux mois après sa sortie des geôles colonialistes où il avait subi les plus atroces des tortures, il mourrait suites aux séquelles de ces sévices. Mohamed Touri repose au cimetière Sidi El Haloui à Blida où il est né le 9 novembre 1914. Une salle de spectacles porte son nom à Blida. Pour lui rendre hommage, nous mettons en marche notre gramophone pour écouter sa chanson Samba Sambatero ou La loterie algérienne enregistrées sur 78 tours.