Les élections présidentielles en Mauritanie restent tributaires de l'application de tous les énoncés de l'accord conclu à Dakar par toutes les parties engagées dans la sortie de crise que vit ce pays depuis le 6 août dernier. Faut-il rappeler qu'au lendemain du coup de force fomenté contre le président élu Sidi Ould Cheikh Abdellahi, la communauté internationale, africaine comprise, avait sèchement condamné cet acte et mis «en quarantaine» la Mauritanie. L'Algérie avait alors appelé au rétablissement de l'ordre constitutionnel et à une démarche démocratique irréversible. Aux manettes de ce coup de force, le général Mohamed Ould Abdelaziz qui, depuis, a troqué sa tenue militaire et ses galons contre un costume cravate pour se fondre dans la vie civile. Et de créer entre temps un parti politique et annoncer avec force conviction sa candidature à la prochaine élection présidentielle qui devait se dérouler le 6 juin dernier avant d'être reportée au 18 juillet prochain. Ce report est intervenu après les multiples tractations entre les différentes parties menées par le groupe international de contact. Deux diplomates algériens, parmi les plus chevronnés de leur génération, Saïd Djinnit, représentant spécial des Nations unies en Afrique de l'Ouest et Ramtane Lamamra, commissaire à la Paix et la Sécurité de l'Union africaine, auront été les principaux architectes de cet accord conclu en présence du président sénégalais Abdoulaye Wade. Leur abnégation et leur connaissance élevée des arcanes diplomatiques ont grandement contribué, de l'avis de nombreux analystes, à convaincre les parties en présence à dépasser leurs différends pour sauvegarder la position de leur pays au sein de la grande famille africaine, et au plan régional au sein de l'union du Maghreb Arabe. Le scénario difficilement élaboré dans la capitale sénégalaise et signé du bout des doigts par les uns et les autres à Nouakchott s'articule principalement autour de la démission, «sans aucune contrainte» du président renversé Sidi Ould Cheikh Abdellahi et de la composition d'un gouvernement d'union dont les membres doivent représenter, en nombre égal, les forces politiques en présence. Seulement, soutiennent les observateurs, cet accord ne peut être concrétisé et réellement mis en œuvre qu'avec la ferme volonté de tous les protagonistes mauritaniens soucieux de guider leur pays vers le retour à la légalité démocratique. Les récentes réticences exprimées dans les états-majors des différentes formations politiques anti-putsch, concernant notamment la désignation du premier ministre de transition, tendent à aiguiser l'atmosphère déjà tendue qui caractérise l'ambiance électorale en Mauritanie et mener le pays vers l'impasse. Ces dernières ont ainsi fait savoir qu'elles étaient opposées à la reconduction de Moulay Ould Mohamed Laghdaf dans ses fonctions de chef de l'exécutif, car représentatif de la «continuité» du mouvement putschiste. Face à cette situation qui risque de conduire au «blocage» malgré les gros efforts investis, le conseil paix et sécurité de l'UA a diffusé un communiqué pour appeler toutes les parties à se conformer «à la lettre et a l'esprit» de l'accord et à mettre en œuvre de «bonne foi» leurs engagements. L'UA soutient en outre que l'élection «doit impérativement» se dérouler le 18 juillet. Les 1 200 000 électeurs mauritaniens, selon les dernières statistiques, auront à élire leur futur premier magistrat parmi plusieurs candidats ayant annoncé leur ambition de briguer un mandat présidentiel. Si depuis plusieurs mois le général Mohamed Ould Abdelaziz faisait figure de super favori malgré une certaine résistance du leader du rassemblement des forces démocratiques, Ahmed Ould Daddah, les spécialistes des affaires mauritaniennes n'avaient pas envisagé un retour, de si tôt, sur le devant de la scène politique du pays, de Ely Ould Mohamed Vall. Aprés avoir renversé Maaouiya Ould Sid Ahmed Taya, ce dernier est réputé avoir conduit la phase de transition (2005-2007) et organisé sans y participer des élections présidentielles libres. Estimé par plusieurs chefs d'Etat dans le monde, Vall intégra le club restreint des sages d'Afrique, affirmant qu'il ne nourrissait aucune ambition présidentielle et qu'il œuvrait pour la pleine expression démocratique. Sauf qu'il a considéré que le dernier coup d'Etat, dirigé par son propre cousin, «était inapproprié, inadéquat et n'avait aucune raison d'être». Il a décidé, en conséquence, d'investir l'arène de la présidentielle pour, a-t-il indiqué, «travailler à la reconstruction de son pays». Bien qu'il bénéficie, à l'inverse des autres candidats, d'une forte popularité au sein de la population mauritanienne, Vall sait que le temps ne travaille pas en sa faveur et qu'il doit batailler dur pour supplanter ses concurrents, qui ont déjà occupé le terrain, avant de s'ouvrir la voie qui mène vers le palais présidentiel.