C'est une belle et dramatique saga colorée constantinoise à laquelle nous invite le réalisateur Yahia Mouzahem à travers son long métrage intitulé Lalla Zbida Ouanes. La projection pour la presse, qui a eu lieu ce mardi en présence du réalisateur au cinéma El Mougar, à Alger, n'a pas drainé une assistance nombreuse. Ce film, produit dans le cadre de «Constantine, capitale de la culture arabe 2015» est une fiction de 87 minutes qui renvoie à la vie et l'histoire de plusieurs familles résidant dans une grande maison dans La Casbah de Constantine. Entre les familles se tissent des liens d'amitié et de solidarité sous le regard orgueilleux de la propriétaire qui n'est autre que Lalla Zbida Ouanes qui veille au grain aussi bien dans sa famille que dans celle des autres. Elle trône en maîtresse aguerrie et despotique sur sa bru Bariza, femme de Mourad, et sur Rafik, le célibataire, ainsi que sur toute la maisonnée. Doutant que son mari Hadj Abderrahmane veut convoler en justes noces avec la jeune et belle voisine, elle se livre à la pratique de la sorcellerie pour garder son époux volage. Sans résultat, elle prémédite son coup et assassine par mégarde la sœur de sa rivale. Rongée par la culpabilité et la jalousie, elle se suicide en se lançant du pont suspendu. Ce long métrage nous introduit dans l'univers féminin où les muselières ancestrales, les soumissions ataviques et les innombrables injustices sont le lot quotidien de toutes ces femmes. Le réalisateur remet en exergue ce monde de femmes en opposition avec celui des hommes symbolisé par le pouvoir machiste et phallocrate et celui des femmes par le silence et la sorcellerie. Le cinéaste Yahia Mouhazem, en évoquant les thématiques de l'adultère, la jalousie, l'arrogance et la culpabilité, fait une introspection de la condition féminine. C'est la première fois qu'un réalisateur appréhende ce sujet avec autant d'objectivité. Cette fiction est sous-tendue par un solide et consistant scénario de Hafiza Mérimèche avec des dialogues percutants et des adages empreints de bon sens. Ce qui donne une intrigue soutenue par un rythme lent comme la psychologie de l'héroïne principale Lalla Zbida, admirablement campée par la Tunisienne Saoussem Mahaladj. A cet effet, Yahia Mouhazem explique ce choix : «Pour ma part, je travaille en collaboration avec les comédiens maghrébins et le casting est universel.» Lalla Zbida Ouanes a généré le temps et le rythme du film. «On est dans l'intimité de Zbida», précise-t-il. «J'ai travaillé sur l'axe de l'évolution psychologique réelle de ce personnage qui par son arrogance et la jalousie arrive à une situation dramatique», affirme le réalisateur. En matière de tournage, le film a duré trois mois sans compter les deux mois nécessaires pour le casting. Ce long métrage psychologique et intimiste qui a nécessité un budget de 63 millions de dinars doit concourir dans des festivals mais pour le moment motus et bouche cousue. Dans le panel des acteurs, on retiendra Ghania Serouti et Alaoua Zermani. Tous les comédiens ont montré leur talent. L'univers féminin Il est à noter que Yahia Mouhazem a à son actif un premier film intitulé Lambèse, réalisé pour le 50e anniversaire de l'Indépendance avec le soutien du ministère des Anciens moudjahidine, et compte poursuivre cette aventure cinématographique avec un autre film prochainement. Cette pathétique et intense fiction est à voir expressement pour comprendre l'univers féminin, ses douleurs, ses désarrois et ses préoccupations. Un grand bravo pour le cinéaste qui a su avec doigté faire une approche de ce monde des femmes emmurées dans leurs vies virtuelles. Le film Lalla Zbida Ouanes est à l'affiche à El Mougar durant près d'un mois.