La célébration des fêtes religieuses a toujours été une occasion pour organiser la rituelle Timecret ou Louziaâ (le partage) un peu partout à travers les villages de Kabylie. C'est le cas avec la fête de l'Aïd El Fitr de cette année où de nombreux villages à Tizi Ouzou et un peu partout en Kabylie ont observé ce rite ancestral appelé, selon les localités, Timecret ou louziaâ, qui consiste en le sacrifice d'un ou de plusieurs bœufs pour les partager ensuite équitablement entre les familles. Un rite ancestral qui est toujours pratiqué à ce jour avec le même engouement, au grand bonheur des familles qui profitent de ce moment de retrouvailles, de partage et du pardon. Parmi les villages qui sont toujours fidèles à cette tradition, Timezguida, dans la commune de Tizi Rached, à une vingtaine de kilomètres de Tizi Ouzou, qui a décidé comme à chaque fête de l'Aïd El Fitr de renouer avec Timechret, en procédant au sacrifice de quatre bœufs au profit de quelque 450 familles. Préparée minutieusement quelques jours auparavant sous l'égide des dynamiques membres du comité de village, la cérémonie de Timechret a eu lieu vendredi, au 27e jour du Ramadhan. Après avoir procédé au sacrifice et au dépeçage des animaux dans l'après-midi de jeudi, sous les regards d'une vétérinaire appelée pour s'assurer de l'état sanitaire des bœufs, les villageois se sont retrouvés à nouveau à la grande place du village quelques heures après la rupture du jeûne pour la rituelle opération de morcellement des parts. Une opération qui a vu la participation de l'ensemble des villageois y compris ceux qui résident ailleurs, venus spécialement pour prendre leur part, comme le veut la tradition et surtout le règlement intérieur du village. «Comme le veut la tradition, chaque père de famille aura droit à une part qu'on appelle Tissegherth, et même les familles qui résident en dehors du village sont concernées par l'opération du moment que leurs membres payent leurs cotisations annuelles au profit du comité de village.» «C'est d'ailleurs ce qui fait le charme de cette cérémonie avec la présence de tous les enfants du village pour ce moment de convivialité, de partage et de pardon», nous confie Mohand Mechrouk, membre du comité de village. L'opération de découpage et de mise en place des quote-parts équitables de viande sous la supervision de personnes âgées et surtout rompues à ce genre d'opération s'est poursuivie jusqu'au petit matin. Aux environs de 8h30 en ce dernier vendredi de Ramadhan, le reste des villageois, notamment ceux qui sont venus de loin, se mettent déjà en place les couffins en main à attendre le moment de la distribution de Timechret. Mais avant cela, la tradition veut que l'on mette à nouveau la main à la poche pour la cérémonie de l'offrande (waâda). L'argent collecté qui a dépassé 10 millions de centimes sera soustrait du prix de l'achat des bœufs et aura ainsi réduit sensiblement le coût de la viande partagée, nous confie un membre du comité de village. Alors que toute la viande est disposée en parts égales, selon le nombre des familles inscrites, s'ensuit l'opération de distribution des parts (thisseghar) dans une ambiance conviviale. Chaque représentant de famille est appelé à prendre une part en respectant l'alignement. Une cérémonie ancestrale qui marque l'esprit de solidarité, de partage et de convivialité au sein de la communauté kabyle que les jeunes d'aujourd'hui perpétuent avec engouement et plaisir à chaque fois que l'occasion se présente.