Les travaux du congrès extraordinaire du Front Polisario se sont ouverts hier dans les camps de réfugiés sahraouis de Tindouf, dans une ambiance particulière. L'ombre du secrétaire général du Front et du président de la République sahraouie, Mohamed Abdelaziz, décédé le 31 mai et dont le successeur sera connu aujourd'hui, a plané sur toute la rencontre. Placé sous le thème «Force, détermination et volonté pour imposer l'indépendance et la souveraineté», ce congrès extraordinaire porte d'ailleurs son nom et tous les intervenants lui ont rendu un hommage appuyé. Le congrès a été marqué par la présence de représentants de plusieurs pays. Côté algérien, le gouvernement s'est fait représenter par le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, alors que plusieurs partis politiques, dont le FLN, ont dépêché des cadres dirigeants pour les représenter. Les 2433 congressistes, dont des délégations des territoires occupés, appelés à élire ce matin au niveau du camp qui porte symboliquement le nom de la ville de Dakhla, un nouveau président, ont été tous en uniforme militaire. C'est à 9h30 que les travaux ont été lancés par la récitation de quelques versets coraniques avant que ne retentissent les airs de l'hymne sahraoui. Le moment le plus fort de cette séance matinale était l'intervention émouvante d'un des fils du défunt Mohamed Abdelaziz qui, en rappelant l'engagement et le parcours de son père ainsi que sa conduite, a fait pleurer plus d'un. Le Maroc face à ses responsabilités Dans son allocution d'ouverture, le président par intérim, Khatri Addouh, qui est également président du Parlement, a insisté sur la poursuite de la lutte pour la décolonisation et le recouvrement de la liberté du peuple sahraoui. «Ce congrès extraordinaire est une halte historique du parcours du peuple sahraoui pour libérer son pays», a-t-il lancé devant une assistance qui scandait : «ô martyr, repose-toi, nous poursuivrons le combat». L'orateur a rendu un hommage particulier à l'Algérie, à la Mauritanie, aux pays africains, aux pays de l'Amérique latine et à la société civile espagnole qui soutiennent la cause sahraouie. Il soulignera que le congrès extraordinaire du Front Polisario intervient dans une conjoncture particulière suite au décès de l'ex-président qui a dirigé cette organisation pendant quatre décennies. Khatri Addouh ajoutera que la rencontre intervient aussi au moment où la cause de son pays enregistre des «évolutions» et des «victoires diplomatiques» dans le sillage de la dernière visite du secrétaire général de l'ONU dans la région et son rapport sur la question sahraouie, présenté au Conseil de sécurité onusien. Dénonçant les manœuvres du Maroc, notamment l'expulsion des membres de la Minurso, l'intervenant s'est félicité du fait que le comportement du royaume chérifien ait conduit au rejet de la communauté internationale de sa démarche. Aujourd'hui, a-t-il affirmé, «la question sahraouie est posée au plus haut niveau de la communauté internationale, dépassant le cadre africain et latino-américain». Selon lui, après les succès de la cause de son pays, le Maroc est entrée en hystérie, prenant «des positions irresponsables» à chaque fois, débouchant sur «une confrontation ouverte avec la communauté internationale avec le renvoi de la composante civile de la Minurso». Le choix indésirable L'orateur a dénoncé «l'escalade dangereuse du Maroc» qui pourra, a-t-il précisé, «nous imposer des choix non désirables». Il fait allusion à la reprise de la lutte armée revendiquée par la population, surtout les jeunes, dans les camps des réfugiés de Tindouf mais tout en tenant à l'organisation d'un référendum d'autodétermination, conformément aux résolutions de l'ONU. Dans les camps de réfugiés, où tout est donné par les organisations humanitaires et certains Etats, la vie est très dure à mener. Ils vivent dans des conditions misérables depuis plus de 40 ans et l'idée de la reprise des armes fait l'unanimité, désespérés qu'ils sont du statu quo depuis le cessez-le-feu de 1991. Le président intérimaire, en s'adressant aux congressistes, a indiqué qu'il faudrait sortir du congrès «plus forts et unis, prêt à affronter les défis de la conjoncture» et «les politiques de l'ennemi marocain». Ce dernier est accusé par l'orateur de «soutien des groupes terroristes extrémistes dans la région», «d'encourager les réseaux de criminalité» et d'avoir «inondé les pays de la région avec la drogue». En tout cas, le congrès sera clôturé ce matin avec l'élection d'un nouveau secrétaire général du Front Polisario et président de la République sahraouie. Rien n'a filtré concernant le candidat de la direction mais l'ancien ambassadeur à Alger, Ibrahim Ghali, est pressenti pour succéder à Mohamed Abdelaziz. De notre envoyé spécial aux camps de réfugiés sahraouis à Tindouf,