Qui aurait misé un euro (voire un dinar) sur le Portugal pour battre la France en finale, dimanche, dans le chaudron parisien de Saint Denis ? Pas grand monde sans doute. Surtout pas du côté des inconditionnels des Bleus, qui se préparaient depuis quelques jours à faire la fête. Et pour cause, en terrassant l'ogre allemand, les poulains de Didier Deschamps, voire tous les Français, étaient quasiment convaincus qu'ils n'allaient faire qu'une bouchée de ces Portugais arrivés en finale par la grâce et les prières de Fatima. Mais c'était compter sans la grinta, l'esprit de corps, le sens du sacrifice des coéquipiers de Cristiano Ronaldo, qui ont su faire contre mauvaise fortune bon cœur. Grands travailleurs, comme ces millions de leurs compatriotes qui peuplent la France, Pepe, Nani et autres Eder et Rui Patricio ont stoïquement résisté à l'adversité quand, à la 24', ils furent contraints de faire sans leur superstar du Real Madrid. Mais il était écrit au ciel parisien que le sang tragique de Ronaldo versé au stade de France allait servir de carburant à une vaillante équipe qui n'avait rien à perdre. Beaucoup ont ri aux éclats quand le sélectionneur, Fernando Santos, déclarait le plus normalement du monde qu'il était venu gagner l'Euro… Eh oui, impossible n'est pas portugais, devons-nous reconnaître après ce succès héroïque des Lusitaniens qui ont réussi à noircir la nuit des Bleus. S'il y a une morale à tirer de ce triomphe des Portugais contre les Français, c'est que la volonté est inébranlable. Et qu'aucune compétition n'est gagnée d'avance. Sur papier, mis à part Cristiano Ronaldo et Nani, l'équipe de France affichait largement fière allure avec sa constellation de stars qui font le bonheur des grosses écuries européennes. Mais il manquait visiblement à ces Bleus l'humilité d'envisager un revers face à plus faibles qu'eux et à domicile. C'est un peu ce manque d'anticipation qui a fait défaut à l'équipe de David Cameron qui s'est réveillée avec un royaume uni contre l'Europe. C'est que, en football comme en politique, l'arrogance et l'excès de confiance peuvent être fatals. La victoire du Portugal, au-delà du retentissant exploit sportif, est quelque part aussi une leçon de réalisme et d'abnégation. Tâcherons à souhait, ils ont mis le cœur à l'ouvrage, et fait abstraction de la ville et de ses lumières aveuglantes pour, in fine, provoquer un coup de tonnerre qui déchira le silence parisien. Le président Hollande et Manuel Valls, qui sont en berne dans les sondages, pensaient pouvoir bomber le torse et fêter un jour de gloire. Raté. La footballisation de la politique, qui consiste à mettre les destins personnels des politiques dans les crampons de Griezmann et Giroud, fut un flop. Cocorico… Le tandem au pouvoir devra faire face à «France debout», et aux Bleus à genoux. La leçon de portugais dispensée dimanche, à Saint Denis, devrait être aussi assimilée par nous autres Algériens. Chez nous aussi, le foot procure de la joie et plus si affinités. La politique, en l'occurrence, n'est jamais loin du vestiaire de l'équipe nationale. A chaque fois qu'il y a malaise, on convoque les coéquipiers de Mahrez pour booster le moral national, histoire de masquer la panne d'imagination de nos gouvernants. Il est vrai que le sport en général et le foot en particulier peuvent être un puissant facteur de mobilisation populaire en ce qu'ils ont cette capacité à brasser plus large que n'importe quel parti politique ou personnalité. A condition qu'ils ne servent pas de simples instruments politiciens mais d'un carburant patriotique visant à resserrer les liens, fédérer les énergies autour d'un idéal national pour le bien de toutes et de tous. Vu sous cet angle, l'exploit des Portugais doit faire école en Algérie. Il doit inspirer les gouvernants et les gouvernés sur la nécessité de se serrer les coudes pour faire face à l'adversité. La victoire d'une sélection est une victoire de toute une nation censée être rentabilisée en tant que telle. Appréciez ce tweet de José Mourinhou après la victoire de ses compatriotes : «Si vous voulez rencontrer les champions d'Europe, allez visiter le Portugal !» Mille fois mieux que n'importe quel slogan politique.