Pour parler de poésie, Rachid Rezagui s'est entouré de pédagogues affirmés, de son préfacier Djouher Amhis Ouksel, du critique littéraire, écrivain et journaliste Mohamed Cherif Guebalou et du pédagogue Ahmed Tessa, lors d'une rencontre animée par Sid Ali Sekhri avant-hier à la librairie Chaib-Dzair à Alger. Sur le chemin des loups est un titre, a priori, bien titillant, mais engagé. Son auteur, Rachid Rezagui, sait choisir ses mots pour exprimer les maux de la société à travers une poésie bien ciselée. En vingt-quatre beaux poèmes, du quotidien sociopolitique, Rezagui illustre en un éventail poétique pluriel, une belle inclination de sentiments humains où triomphent le verbe, la sagesse et l'action d'élévation spirituelle. Merci, Kho ! Allô, élite ! Les chiens des loups. La guerre des autres… sont entre autres, les titres des poèmes que propose Rezagui. A la fin de chacun d'entre eux, l'auteur y inscrit une date, important repère temporel marquant un événement qui l'a poussé à le transcrire en vers. A travers sa lucide philosophie imbibée d'un art abstrait des mots, de métaphores feutrées, d'un délire éclairé, de sa douceur de poète, Rezagui montre ainsi la dégradation des valeurs morales au sein de la société. «De jour en jour, le loup épouse nos âmes et s'incruste dans les mœurs à travers des pratiques et des comportements étrangers à la culture et l'éducation d'un peuple qui a bâti sa sociologie sur l'honneur et les principes nobles», explique l'auteur avec toute son algérianité dans l'avant-propos du recueil. Par ailleurs, ce qui distingue aussi ce recueil de poésies, ce sont les illustrations graphiques de l'artiste plasticien Karim Sergoua. En effet, quand on ouvre ce beau livre, on retrouve au milieu de chaque deux pages, les dessins graphiques de Sergoua qui dégagent une vie pétillante. Les couleurs fusent, la vie et l'espoir y sont permis. Ce support graphique de l'artiste où le loup est pratiquement déstructuré à travers son habit humain reflète une belle conjugaison des oppositions. Ainsi, en dénonçant les loups et en épousant les poèmes de Rezagui, Sergoua a utilisé les couleurs vives de l'arc-en-ciel, les couleurs de la vie qui ne peuvent s'accorder avec la nature rusée du loup. De ce fait, cette démarche structurale dans la littérature permet de dire le contraire. Même la couverture de l'ouvrage représente «une physionomie humaine sans visage entourée de deux loups d'où se dégage tout l'animisme de la forme humaine», comme l'a expliqué Mohammed Cherif Ghebalou. Poésie et pédagogie «Plus qu'esthétique, la poésie est la quintessence de l'art. L'art de résumer le monde en quelques mots», a indiqué l'artiste Jaoudet Gassouma lors du débat qui a suivi la présentation du recueil. Ainsi, les conférenciers ont unanimement souligné que la poésie était en marge de la société, loin de susciter l'intérêt des jeunes. «Dans notre terroir national, chaâbi, hawzi, gnaoui… dans notre culture orale, on est quotidiennement confronté à la poésie sans même le savoir. C'est pour cela qu'il faudrait désacraliser la poésie, la populariser… mettre cet art dans des nouvelles normes», ajoutera l'artiste Jaoudet Gassouma. Dans ce sens, Ahmed Tessa rebondit sur les propos de J. Gassouma et dira que «l'école n'a pas joué son rôle depuis plus de trois décennies. C'est pour cela qu'il faut mettre l'enfant en appétit poétique ou jouant sur le double attrait de la poésie en la joignant à d'autres disciplines telles que la musique, la peinture, le slam….» De son côté, Rachid Rezagui dira que la présentation de la poésie compte aussi énormément. «Les éditeurs ont peur d'éditer de la poésie car ça coule leur commerce. C'est pourquoi il est utile de soutenir les mots, les mettre en harmonie avec d'autres arts». Par ailleurs, un hommage a été rendu à Djouher Amhis à travers le poème ‘'Résistante'' que lui a consacré Rachid Rezagui et que Sid Ali Sekhri (modérateur du débat) a tenu à immortaliser sur un magnifique tableau portant ce beau poème à côté d'une photo de cette grande dame.