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Alain Rodier, directeur de recherche chargé du terrorisme et de la criminalité organisée, au Temps d'Algérie : «Le nombre de postulants aux attentats-suicides en Europe est important»
Ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, Alain Rodier est expert du terrorisme et de la criminalité organisée. Il suit ces sujets depuis les années 1980. Il est un collaborateur régulier des revues Raids et Policepro et est l'auteur de nombreux articles sur la toile. Alain Rodier est également conférencier dans le domaine de l'évaluation des risques contemporains auprès de grands organismes institutionnels. Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages. Le Temps d'Algérie : L'organisation autoproclamée «Etat islamique» (Daech) semble avoir opté pour une nouvelle «stratégie» dans ses attentats criminels, recourant, cette fois, aux «loups solitaires». Quel degré de danger représentent les «loups solitaires» en Europe ? Alain Rodier : Ce n'est pas totalement une nouvelle stratégie mais une accélération des violences dues à Daech. A savoir que le groupe Etat islamique a lancé ses appels au meurtre depuis presque deux ans. Les premiers signes remontent au printemps 2015 (le cas de Nemmouche qui a perpétré la tuerie du musée juif de Bruxelles en juin 2014). Les services de renseignement français changeront-ils de cap après les attentats ? Toutes les réformes ne sont pas encore totalement définies. Les résultats de la commission d'enquête parlementaire devront être étudiés de près et l'Exécutif devra prendre des décisions. Les plus importantes me paraissent la nomination d'un responsable unique de la lutte antiterroriste et le retour à une police de proximité qui maille le terrain urbain comme la gendarmerie le fait déjà dans les campagnes. Ne croyez-vous pas qu'il est indispensable pour Paris de coopérer avec Damas dans la guerre contre Daech ? Dans les derniers cas des terroristes rencontrés en France et en Allemagne, une coopération n'aurait servi à rien, puisque les meurtriers n'ont pas mis les pieds en Syrie. Mais, si l'on veut vaincre Daech sur son terrain (le front syro-irakien), je pense qu'un rapprochement avec Damas sera obligatoire dans l'avenir. Quelle menace représenteraient aujourd'hui les «djihadistes» français qui ont rejoint Daech en Syrie et en Irak ? En plus de la menace qu'ils représentent sur le front syro-irakien où ils peuvent être mis en avant à des fins de propagande, ils constituent un risque majeur pour un acte terroriste s'ils sont renvoyés en France. Leur entraînement les rend plus redoutables que les «djihadistes solitaires» et nous risquons d'être confrontés à de nouvelles tueries de masse comme au Bataclan le 13 novembre 2015. L'agence de police criminelle de l'Europe prévient que Daech pourrait avoir des camps d'entraînement dans ce continent. Qu'en pensez-vous ? Je ne pense pas que ce soit un «camp d'entraînement» au vrai sens du terme avec dortoirs, gymnase, stand de tir, parcours d'obstacles, etc. Mais des aspirants terroristes peuvent se regrouper ponctuellement pour faire de la «tactique en chambre» en regardant des vidéos, aller faire du sport en plein air (on l'avait constaté dans le passé dans la région de Fontainebleau), faire des reconnaissances sur le terrain, etc. Par contre, il existe quelques régions reculées du Kosovo où il y aurait des «villages rebelles» qui abritent des terroristes qui peuvent s'entraîner au maniement des armes et des explosifs. Comment expliquer la «déferlante» Daech en France et en Allemagne ? Il y a vraisemblablement un effet de «mimétisme». Des centaines de sympathisants à la cause salafiste-djihadiste étaient prêts à passer à l'action mais ils hésitaient encore. Les premières opérations ont donné le signal. Il est à craindre qu'il y ait d'autres actions terroristes à travers l'Europe dans les semaines à venir car le réservoir de postulants au martyre est important. Craignez-vous que des «djihadistes» se soient faits passés pour des réfugiés en demandant l'asile en Europe ? Ce n'est pas impossible et les autorités allemandes ont admis que les contrôles effectués jusque-là n'avaient pas été suffisants. De toutes façons, ces réfugiés qui vont être très déçus des conditions d'accueil vont constituer un «vivier» où les djihadistes professionnels pourront aller recruter de nouveaux adeptes. Damas parle d'environ 4000 faux réfugiés parmi les centaines de milliers. Cela est-il plausible ? Il est très difficile de le dire. Je pense que Damas ne le sait pas vraiment mais se livre à une action d'influence. Les frappes aériennes menées en Syrie et en Irak contre Daech suffisent-elles d'après vous ? Bien sûr que non. Il va falloir finir le travail au sol pour aller débusquer les terroristes dans leurs trous. Le problème, c'est que personne n'est décidé à y aller. Quels seraient les meilleurs moyens de lutte contre les extrémistes de Daech aujourd'hui ? Il n'y a pas de solution miracle mais les pistes à suivre pourraient être les suivantes : une définition claire de l'«ennemi» au niveau européen ; en France, la création d'un responsable antiterroriste et la remise en place d'une police de proximité ; une sévérité accrue du système judiciaire dans la mesure où le gouvernement lui en donne les moyens ; une coopération accrue des services de renseignement et de police à l'intérieur et vers l'extérieur.