Paru aux éditions Sedia, cet essai d'Amel Chaouati nous renvoie en plein cœur d'un pan de l'histoire coloniale de l'Algérie. Ce livre empreint d'émotions révèle une histoire méconnue ou mise sous le boisseau de la période de l'émir Abdelkader. Le sujet a titillé la curiosité et l'intérêt de l'auteure qui, suite à une lecture de l'ouvrage Abdelkader, l'émir magnanime d'Etienne Bruno et François Pouillon, s'y est vivement intéressée. «Un passage de ce livre a attiré mon attention», dit-elle. «Le séjour de l'émir et de sa suite à Amboise sera moins dur qu'à Pau. Certes de nombreux décès de femmes attristeront la famille, mais les prisonniers jouiront d'une bien meilleure installation et même de quelques libertés. L'absence de précision des historiens m'a amenée à me demander se qui s'est déroulé de grave à Pau. En 2007, en me rendant au château d'Amboise à la recherche de traces de cette histoire, j'ai découvert un cimetière musulman dans le jardin composé de vingt-cinq tombes nouvellement construites. Chaque pierre porte le nom du défunt écrit en calligraphie arabe. Sur le même lieu se trouve également un monument funèbre construit au pied du cimetière des Arabes» par les habitants d'Amboise vingt ans après l'accord du maire de la ville en 1853. Sur une plaque de l'époque posée au sol, on peut lire : «Ici reposent vingt-cinq personnes de la suite de l'émir Abdelkader décédées à Amboise de 1848 à 1852». Le choc éprouvé par cette découverte m'a incitée à consulter de nombreux ouvrages pour comprendre ce qui a pu se passer pour Abdelkader et sa suite en France. Malgré de nombreux écrits sur le personnage historique, je suis très surprise de constater le silence de l'histoire et des historiens concernant les conditions de son emprisonnement et de celui des femmes en particulier. C'est en consultant essentiellement les archives des colonies à Aix-en-Provence que j'ai pu répondre aux questions que je m'étais posées au cimetière musulman. Qui étaient ces 25 personnes inhumées au château d'Amboise entre 1848 et 1852 et dans quelles conditions ont-elles trouvé la mort ?» Ce texte précise les conditions inhérentes à la confection de cet essai qui nous renvoie aux quinze années de combat de l'émir contre l'armée coloniale. Voyant sa défaite, l'émir décide de se rendre, à la seule condition de pouvoir s'exiler en terre d'Islam, soit à Akka (Saint-Jean-d'Acre), en Palestine ou à Alexandrie. Mais sa demande acceptée au début par le duc d'Aumale, fils du roi Louis-Philippe, est finalement rejetée et il se retrouve amené de force à Toulon, puis Pau, puis Amboise. Après cinq années de détention en France, il est libéré par Louis Bonaparte Napoléon qui le laisse s'exiler à Damas. Cette histoire captivante de ces Algériennes inhumées en terre française rappelle que des pans d'histoire ne sont pas encore connus. L'initiative d'Amel Chaouati est louable en ce sens qu'elle a levé le voile sur cette période avec ses faits et événements. Cet essai plein d'informations méconnues permet de comprendre et de connaître ce cimetière et ces Algériennes du château d'Amboise. A lire avec délectation et émotion.