La tension persistante qui caractérise ses derniers jours l'Iran, sous le regard «très intéressé» de la communauté internationale, a décidé le Conseil des gardiens de la Constitution à convoquer aujourd'hui une réunion pour «consultation» avec les trois candidats contestataires des résultats officiellement enregistrés. Karoubi, Rezai et Moussavi ont indiqué avoir introduit 646 recours pour dénoncer des «cas avérés» de fraude. Cette rencontre intervient au lendemain du prêche du vendredi de la plus haute autorité du pays, l'ayatollah Ali Khamenei, qui a lancé un puissant rappel à l'ordre. Ce dernier a confirmé l'élection de Mahmoud Ahmadinejad à la magistrature suprême, exigé la fin des manifestations de contestation et averti les leaders des rassemblements populaires quant aux conséquences que pourrait engendrer «l'extrémisme des manifestants». Le guide spirituel a de plus estimé que «tout doute sur les résultats doit être examiné par des moyens légaux», avant d'adresser de vives critiques aux pays occidentaux pour leur propension à «s'ingérer» dans les affaires intérieures de l'Iran.Si aucune réaction n'a été pour l'heure enregistrée parmi les contestataires, il n'empêche que la rue iranaise continue de gronder. Après les manifestations organisées quotidiennement depuis sept jours pour réclamer l'annulation du scrutin présidentiel du 12 juin et l'élection pour un second mandat du président sortant Mahmoud Ahmadinejad, une nouveau rassemblement devrait avoir lieu aujourd'hui à Téhéran, bien que l'administration ait déjà notifié aux organisateurs l'interdiction de ce rassemblement. Trois candidats, rappelle-t-on, contestent les résultats de cette consultation électorale, estimant que son déroulement a été entaché «d'irrégularités» engendrant une «manipulation frauduleuse» des résultats au profit d'Ahmadinejad. Il s'agit de Mehdi Karoubi, Mohsen Rezai et Hossein Moussavi. Ce dernier, considéré comme tête de file du vaste mouvement populaire de contestation, mobilise des dizaines de milliers d'Iraniens et d'Iraniennes, qui occupent les principales artères des villes du pays pour réclamer l'annulation totale de cette élection. Les leviers du pouvoir Il représente le courant dit modéré susceptible d'introduire des changements tangibles dans le fonctionnement de la société iranienne en se démarquant de l'aile conservatrice, dont les animateurs détiennent les principaux leviers du pouvoir en Iran. Tout en appelant ses sympathisants à «défiler dans le calme» pour éviter toute forme de dérapage et de provocation, Moussavi a placé la journée de jeudi sous le signe du deuil, en hommage aux sept manifestants victimes lundi d'une fusillade qui a éclaté lundi lors d'un rassemblement populaire de protestation. Il a en outre lancé un appel au recueillement et à la mobilisation hier dans les mosquées. Tout de noir vêtus et arborant des brassards verts en signe de soutien et de solidarité avec Moussavi, les uns et les autres ont investi les grandes places de la capitale, Téhéran, ainsi que de Machhad et Tabriz, en participant à d'imposantes marches silencieuses.Sous le slogan générique «Where is my vote», les manifestants semblent déterminés à faire admettre leur principale revendication pour un retour aux urnes et l'organisation de nouvelles élections sous le signe d'une totale transparence. Depuis la révolution de 1979, la chute du shah et l'instauration de la République islamique, l'Iran vit pour la première fois une protesta d'une si grande ampleur. Fatalement, ce mouvement a obligé les dirigeants iraniens à faire preuve de circonspection pour ne pas attiser le sentiment de révolte qui anime les manifestants. Sans pour autant remettre en cause les fondements du régime en place, plusieurs propositions ont été soumises dans le but de «répondre» aux requêtes formulées et de calmer les esprits. Le Conseil des gardiens de la Constitution iranienne avait ainsi proposé, à l'instigation du guide suprême l'ayatollah Ali Khamenei, un nouveau «décompte partiel», dans quelques bureaux de vote où des bulletins ont fait l'objet de contestation. Cette formule a été vivement critiquée et rejetée «dans le fond et dans la forme», tant elle était en inadéquation avec la dénonciation, dans sa globalité, du déroulement du scrutin présidentiel. De plus, les contestataires exigent une équipe indépendante en mesure de faire toute la lumière sur le déroulement de cette consultation électorale. Atmosphère assombrie Les arrestations, rapportées par des agences de presse, de journalistes, d'universitaires et d'hommes politiques favorables au courant rénovateur animé par Moussavi, assombrissent l'atmosphère déjà très lourde de la scène politique et sociale en Iran et dévoile la «tendance répressive» du pouvoir en place, relèvent les observateurs. Pour dépasser cette situation, Moussavi ainsi que l'ancien président Mohammad Khatami auraient adressé un message commun à l'ayatollah Mahmoud Hashemi Shahroudi, en charge de la plus haute instance judiciaire du pays, pour lui demander de prendre les mesures nécessaires «pour faire cesser la violence policière contre les manifestants et permettre la libération des manifestants interpellés». La tension persistante qui caractérise ses derniers jours l'Iran, sous le regard «très intéressé» de la communauté internationale, a en outre décidé ce même conseil à provoquer aujourd'hui une réunion pour «consultation et audition» des trois candidats contestataires des résultats officiellement enregistrés. Karoubi, Rezai et Moussavi ont indiqué avoir introduit 646 recours pour dénoncer des «cas avérés» de fraude. Les résultats de cette rencontre sont attendus avec un grand intérêt tant par la rue iranienne, les chancelleries, les médias que les spécialistes des affaires iraniennes. Pour de nombreux observateurs, ils devraient déterminer la direction qui sera fixée, d'un côté comme de l'autre, au développement des derniers événements. Soit l'organisation de nouvelles élections soit un retour musclé à l'ordre établi. Le prêche de l'ayatollah Khamenei est cependant suffisamment révélateur de la volonté des autorités iraniennes à fermer le jeu et à ne plus tolérer les tentatives de «pourrissement» et de «débordements».