C'est une victoire de taille pour la cause sahraouie que vient de remporter le Front Polisario contre le Maroc. L'accord agricole signé entre le Royaume de l'Ouest et l'Union européenne (UE) ne s'applique pas sur le territoire du Sahara occidental. Dans ses conclusions rendues publiques hier, l'avocat général de la Cour européenne de justice (CEJ), Melchior Wathelet, a estimé que le Sahara occidental est un territoire non autonome sous supervision des Nations unies. De ce fait, il n'est concerné par aucune close de l'accord commercial portant sur les produits agricoles, signé en 2012, entre le royaume du Maroc et l'UE. «Le Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Maroc et que, partant, contrairement à ce qui a été constaté par le tribunal dans sa décision du 10 décembre 2015, ni l'accord d'association UE-Maroc ni l'accord de libéralisation ne lui sont applicables», peut-on lire dans le communiqué publié sur le site de la CEJ. L'avocat général constate, en effet, que «le Sahara occidental est, depuis 1963, inscrit par l'ONU sur sa liste des territoires non autonomes, qui relèvent du champ d'application de sa résolution portant sur l'exercice du droit à l'autodétermination par les peuples coloniaux». Avant de rappeler dans ses arguments que «l'Union et ses Etats membres n'ont jamais reconnu que le Sahara occidental fait partie du Maroc ou relève de sa souveraineté». Melchior Wathelet, jugeant «inapplicables» ces accords au Sahara occidental, «propose à la cour d'annuler l'arrêt du tribunal et de rejeter le recours du Front Polisario comme irrecevable car ce dernier n'a plus d'intérêt à faire annuler la décision contestée». Pour rappel, le même tribunal de la CEJ avait annulé, le 10 décembre 2015, l'accord commercial en question entre le royaume chérifien et l'UE, après une saisine du Front Polisario. La décision va susciter la colère du makhzen qui est allé jusqu'à menacer de rupture des relations diplomatiques avec l'UE. Rabat avait, dans une première réaction, annoncé avoir «suspendu tout contact». Dire que les conclusions de l'avocat général de CEJ ne passeront pas inaperçues du côté du royaume de Mohammed VI. Ceci, bien que le verdict final des magistrats de la cour – qui peut être différent – n'est prévu que dans deux mois. Mais, «généralement, les recommandations de l'avocat général sont suivies à 70% par les juges», déclare un attaché de presse cité par l'hebdomadaire Jeune Afrique. En tout état de cause, le Maroc se trouve désormais désavoué par la haute juridiction de l'UE. Ni le recours du Conseil de l'UE en février pour annuler la décision du tribunal, ni encore la visite de la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, à Rabat, en mars, n'ont suffi pour renverser la situation en sa faveur. Pourtant, il faut attendre la décision finale de novembre prochain pour savoir jusqu'où iront les relations bilatérales entre le Maroc et l'UE. D'ici là, il est clair que le climat restera très tendu entre les deux parties. Le Front Polisario, malgré cette victoire contre son ennemi, se voit, à son tour, infligé quelque part un «revers», puisque de l'avis de l'avocat général de la CEJ, «il n'est reconnu par la communauté internationale que comme le représentant du peuple du Sahara occidental dans le processus politique destiné à résoudre la question de l'autodétermination».