A l'occasion de chaque Aïd El Adha, les mêmes scènes où des peaux de mouton jetées dans les poubelles, voire laissées à même le sol se répètent. C'est ainsi que quelque millions de peaux (entre 3 et 4 millions de bêtes sont sacrifiées annuellement) se retrouvent hors des circuits de transformation, au moment où l'Algérie importe de l'étranger du cuir fini ou semi-fini à coups de devises. Outre ce gaspillage pour l'économie nationale, et surtout pour le secteur du cuir, déjà en crise, jeter des peaux ou les laisser traîner dans la rue en ces temps de chaleur favorise le développement de toutes sortes de maladies, préviennent les médecins. Mais avant d'accuser le citoyen lambda de ce comportement pour le moins peu conforme, il faudrait d'abord se demander si nous disposons de réseaux qui font dans la collecte, puis dans la transformation de ces matières premières (peau et laine) bon marché, voire données gratuitement. Car à part quelques initiatives éparses dans certaines villes du pays, lancées dans le cadre de l'Ansej ou autres, les citoyens se trouvent encombrés par ces peaux dont ils ne savent trop quoi faire. Pour les contrées où ce genre d'activités existe, les peaux sont revendues par les collecteurs environ 500 dinars/pièce, voire plus cher lorsqu'elles sont bien dépecées. Mais pour les tanneurs, dont le nombre se rétrécit comme une peau de chagrin, la question se pose autrement. Selon eux, il ne s'agit pas seulement de récupérer le cuir des bêtes sacrifiées, mais il faudrait surtout contrôler la qualité, qui dépend de la matière dont on a dépecé la peau. Car pour avoir une peau qu'on pourrait ensuite transformer, il faudrait qu'elle ne comporte pas de trous. Or, l'opération de dépeçage se fait par des amateurs et des personnes qui ont souvent hâte de passer à table, et le ‘'bien-dépecer'' est souvent relégué au dernier plan. Initiatives Sur ce sujet de gaspillage de grande envergure, le secrétaire général de la Fédération textiles et cuirs, affilié à l'UGTA, Amar Takdjout, a rappelé les efforts faits par certains tanneurs. La collecte de ces peaux durant la fête a été lancée par des tanneurs. Ces peaux de mouton se retrouvent dans les poubelles, alors que le cuir algérien est des plus recherchés, selon des spécialistes. D'autres ont même lancé à travers l'annuaire des entreprises une annonce : «Je suis à la recherche de cuir ou de peaux de mouton pour les exporter». La récupération des peaux de mouton reste une opportunité à saisir afin de faire renaître la filière cuir. C'est aussi un moyen de rouvrir les entreprises fermées. Dans les années 90, près de 60 unités existaient sur le territoire national, a-t-il lancé. Il n'en reste qu'une dizaine réparties sur Alger, Oran (3), Constantine (2) et Jijel (1). Avec le retour de cette activité, c'est non seulement une opportunité de création de postes d'emploi, mais aussi un moyen de préserver un patrimoine, une culture, puisque les familles algériennes avaient pour tradition de travailler elles-mêmes ce produit, jadis précieux, qui ornait les maisons. Salées, séchées puis lavées, la laine est ensuite séparée de la peau pour servir à tisser de beaux tapis et autres burnous.