Les fléaux font des ravages. Deux jeunes, dont un récidiviste, sont jugés l'un pour vol et le second pour recel, deux articles du code pénal mal aimés des magistrats qui sont poussés à servir... A 23 ans, Salah est déjà un récidiviste en matière de vol. Cette fois, assisté de maître Amine Morsli qui explique comment il a procédé pour entrer dans le domicile de Saliha et lui voler le poste TV, et ce, à onze heures quarante-cinq. «En entrant chez moi, j'ai vu la fenêtre ouverte, grande ouverte. J'ai alors crié et ameuté les voisins qui ont alerté les policiers qui se sont immédiatement rendus sur les lieux.» Le receleur, qui va se cacher derrière l'ignorance, reconnaît avoir acquis le poste volé pour cinq mille et quelques dinars. «Est-ce vraiment le prix d'un récepteur à l'état neuf ?», demande Mme Benkhtou, procureur. La présidente de la section correctionnelle, Boudmagh, tente de jouer le calme devant les inculpés. «Est-ce que vous connaissez Salah ?», demande-t-elle. «Non», répond le receleur qui va ouvrir grands les yeux devant Salah, farouche détenu qui venait de réaliser la catastrophe, surtout que la juge appelle à la barre Ali D., le vieux qui lève la main droite avant de témoigner : «J'ai accompagné Salah chez ce Monsieur (le receleur) et j'ignorais que le récepteur TV était volé», affirme, la voix chevrotante, le vieillard agacé par le déplacement. La victime, elle, revient à la charge : «Il y a aussi deux millions de centimes volatilisés. J'ai fait un pic de tension et j'ai failli tomber sur la dalle», avait-elle expliqué, tout en ne cessant de fixer le visage du receleur dont elle ne peut voir que le profil gauche. C'est au tour du receleur de reconnaître que le prix demandé par Salah était d'abord de sept mille dinars avant de descendre de deux mille dinars. «J'ai marchandé car j'avais besoin de le revendre plus cher», affirme-t-il. La victime réclame de gros dommages et intérêts : «J'ai sur les bras des orphelins qui ont besoin de vivre en ces temps difficiles de hausses infernales des prix de l'alimentation.» Le procureur de l'audience, Benkhetou Djamila, requiert une peine de trois ans ferme et un an ferme pour le voleur et le receleur. Maître Morsli met tout de go cette situation sur la première incarcération (dix-huit mois ferme) qui a causé des ravages sur le subconcient du détenu. «A 23 ans, être enfermé avec des malfrats endurcis, n'aide pas à la réinsertion», dit le conseil qui tentera de trouver des circonstances atténuantes et surtout de mettre en valeur les déclarations fausses de la victime qui a parlé de dons divers laissés sur la table, à nu. «Même le receleur a caché le fait que dans le PV de la police judiciaire, il avait déclaré que le prix premier demandé était de quatorze mille dinars et non la moitié...», lancera l'avocat qui ira plus loin en essayant «de ne pas justifier» le vol du poste tout en demandant à la présidente d'éloigner les deux millions de centimes et surtout de présenter Salah à un psy qui va devoir s'occuper de son état. Tout au long des diverses péripéties de ce procès, nous avions relevé hélas encore une fois que les gens rechignaient devant la vérité. Et ce n'est pas la présidente Boudmagh qui allait chuter raide, étendue devant les multiples dérobades des inculpés. Sa seule satisfaction est née à partir de la franche collaboration et de l'avocat et de la représentante du ministère public. Cette dernière, engagée dans son costume de «guerrière du parquet» adore tendre la perche au tribunal, et ce n'est pas de refus pour cette élégante juge du siège qui va infliger une peine adéquate pour le récidiviste et symbolique pour le receleur qui n'en demandait pas tant.