La crise économique qui a conduit le gouvernement à prendre des décisions douloureuses interpelle le Forum des chefs d'entreprise (FCE) qui veut sortir de la dépendance aux hydrocarbures vite et avec le moindre coût. Les 28 et 29 septembre à Constantine, à l'occasion de l'université d'été de cette organisation patronale, c'est un président du FCE offensif et surtout revendicatif qui s'est présenté devant l'assistance, dont deux ministres en exercice, d'anciens ministres, des experts économiques et le SG de l'UGTA. Ali Haddad a appelé à des réformes économiques «courageuses et profondes», mettant en garde contre le statu quo devenu «insupportable et, à long terme, intenable». A l'ouverture des travaux de cette université d'été, placée sous le thème «Transformer pour aller de l'avant», il a parlé ouvertement d'une «crise multidimensionnelle qui frappe notre pays». «Nous estimons qu'il est temps de mettre en œuvre des réformes profondes et courageuses qui changeront réellement notre économie», a-t-il affirmé, appelant le gouvernement à maintenir les investissements à un rythme soutenable pour les entreprises. Soulignant que le FCE adhère «totalement» au plan d'urgence mis en place par les pouvoirs publics pour revenir à l'équilibre budgétaire, il a ajouté que «cela ne doit pas se faire au détriment des entreprises, des emplois et de la stabilité économique et sociale des régions». Agir pour ne pas subir Dans son long discours prononcé jeudi, le président du FCE a appelé à des réformes structurelles et à accélérer leur cadence ainsi qu'à tenir un langage de vérité dans ce contexte de crise. «La réussite d'une politique économique ne se mesure ni aux intentions, ni aux déclarations, ni au nombre de textes réglementaires adoptés. Elle reste fondamentalement tributaire de la paix et de ses effets sur l'emploi, le pouvoir d'achat et le bien-être des citoyens», a-t-il déclaré. Il a expliqué que son organisation, pleinement associée à la gouvernance économique et sociale du pays, continuera «en toute responsabilité, à tenir un langage de vérité». «Faire preuve de complaisance, c'est non seulement trahir nos compatriotes, mais également, contribuer à l'aggravation de la situation», a-t-il argué, en exprimant la volonté du FCE d'agir pour éviter de subir. L'orateur a souligné que le FCE veut agir, avec les autres forces vives de la nation, en catalyseur afin de faire accélérer le rythme des réformes pour une véritable dynamique socio-économique de l'Algérie. «Le moment est venu d'enclencher véritablement le processus du changement à un moment crucial de la vie de notre chère Algérie», a-t-il affirmé. Aussi, a-t-il ajouté, des réformes structurelles doivent être menées afin de consacrer dans les faits cette volonté politique affirmée de sortir l'Algérie de l'ornière des hydrocarbures. Toutefois, le président du FCE s'est félicité du fait que malgré un contexte international et national extrêmement difficile, sur tous les plans, l'Algérie a pu maintenir ses grands équilibres macroéconomiques, sanctuariser son territoire et sauvegarder sa stabilité et sa cohésion sociale. «Nous devons admettre que cela n'a pu se réaliser que grâce à la clairvoyance des plus hautes autorités du pays, qui ont su, au moment opportun, fédérer les forces de progrès du pays, et imposer un débat de fond qui a eu pour effet de clarifier les enjeux, de cerner les problématiques et de rendre intelligibles les décisions du gouvernement», a-t-il dit. Optimisme mesuré Ali Haddad a soutenu qu'en plaçant l'entreprise au cœur du processus de développement et en adoptant la liberté d'entreprendre comme fondement de la nouvelle politique économique, le gouvernement a opté pour la construction d'une économie diversifiée, compétitive et ouverte sur l'environnement international. Mais cela reste insuffisant à ses yeux. Car, précisera-t-il, «malgré ces efforts constants et en dépit de nombreux acquis, notamment en matière d'infrastructures de base et d'amélioration du pouvoir d'achat et des conditions de vie des Algériens, nous n'avons pas pleinement réussi, jusqu'à présent, à insuffler une dynamique de développement et d'expansion économique, suffisamment puissante, pour poursuivre et assurer la pérennité du processus de redressement économique de notre pays». Pour transcender cette situation et engager l'Algérie dans un processus de redressement économique pérenne, nous devons, avant toute chose, a-t-il estimé, «admettre et considérer que la baisse des prix des hydrocarbures n'est pas un phénomène conjoncturel mais qu'elle constitue une tendance lourde devant laquelle nous avons accepté de faire preuve de résilience». Pour lui, l'appel du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, à l'adoption d'un nouveau «modèle économique», invite «à plus de radicalité dans notre démarche et dans nos décisions». «Pour transformer en profondeur les conditions pratiques dans lesquelles s'accomplissent l'acte d'investir et l'acte de produire dans notre pays, nous devons impérativement accélérer la cadence et le rythme des réformes», a-t-il plaidé, affirmant que le pays est confronté à une contrainte majeure qui est le temps. «Nous disposons de trois à quatre années, pour inverser totalement la tendance et réussir notre passage d'une économie de rente, à une économie fondée sur la production, l'innovation et le savoir», a-t-il lancé, en faisant preuve d'un «optimisme mesuré». Affirmant que la dynamique de transformation que nous ambitionnons pour notre cher pays ne peut se décréter d'en haut, le président du FCE a invité l'ensemble des chefs d'entreprise, les porteurs de projets et les investisseurs à ne pas renoncer et à ne pas se résigner devant les difficultés encore vivaces qu'ils rencontrent. L'accord de l'Opep salué Le Forum des chefs d'entreprise s'est réjoui et se félicite de la réussite totale de la réunion informelle des pays membres de l'Opep, estimant que ce succès diplomatique est l'œuvre du président de la République, du Premier ministre et du ministre de l'Energie. «La décision inattendue de l'Opep de réduire la production a stabilisé le marché pétrolier et ouvre la voie à un accord plus important lors de la réunion formelle qui se tiendra à Vienne dans quelques semaines», a déclaré le président du forum jeudi à Constantine. Pour lui, cet accord laborieux a été obtenu grâce à l'aura diplomatique de l'Algérie qui a toujours su user des arbitrages nécessaires et de ses grandes capacités de négociation pour faire aboutir les démarches consensuelles. «Nous sommes conscients que cet accord est fragile mais il ne fait aucun doute que l'Algérie poursuivra ses efforts pour lutter contre la volatilité des prix du baril de pétrole et préserver la stabilité économique et sociale de nombreux pays», a-t-il ajouté, précisant que cet accord historique et son impact positif sur le marché pétrolier ne doit pas nous distraire de notre objectif de transformer notre économie pour passer d'une croissance artificielle, soutenue essentiellement par le secteur des hydrocarbures, à une croissance solide et durable générée par une industrie diversifiée et l'agriculture. Il a indiqué qu'il est essentiel de lever tous les verrous qui bloquent les initiatives. Il a préconisé une refondation radicale de notre environnement des affaires pour que celui-ci soit favorable à l'entrepreneuriat et aux investissements productifs.