Un passé sanglant et un Etat qui ne lésine pas sur les moyens font de l'Algérie un pays «immunisé» contre la radicalisation islamiste. Si le groupe terroriste qui sévit en Syrie et en Irak recrute ses combattants dans le monde entier, l'Algérie se démarque effectivement des autres pays en dépit de sa proximité géographique avec des régions vulnérables à l'extrémisme et son passé mouvementé des années 1990. C'est ce qui ressort de l'enquête menée par la journaliste de service de nouvelles et d'analyse humanitaire IRIN, Jenny Gustafsson. Elle fait état de 200 algériens partis rejoindre les rangs de Daech contre 7000 en Tunisie et 1500 au Maroc. Ainsi, elle reconnaît que l'Algérie semble «moins sensible» aux stratégies de recrutement des groupes extrémistes. Ses interlocuteurs interrogés à ce sujet lient cet état de fait à la décennie noire d'abord. Dalia Ghanem-Yazbeck, une universitaire d'origine algérienne qui a passé les 10 dernières années à étudier la radicalisation, croit que la principale explication est sans doute à chercher du côté des séquelles du conflit algérien. «La guerre a été un traumatisme important pour la population algérienne», a expliqué Ghanem-Yazbeck à IRIN. «Les gens ont encore peur et ils ne veulent pas que cela se reproduise. Les images qui nous arrivent aujourd'hui de Libye et de Syrie sont des rappels quotidiens de ce que des millions d'Algériens ont vécu», constate-t-elle. Akram Kharief, journaliste algérien et expert des questions sécuritaires, est du même avis. Selon lui, l'Algérie d'aujourd'hui est la preuve que «l'espérance djihadiste ne l'emporte pas toujours», ce qui n'est pas le cas chez nos voisins tunisiens et marocains. Selon les derniers chiffres de l'Institut américain TSG The Soufan Group, rendus public en décembre, la Tunisie arrive en tête de liste. Entre 6000 et 7000 ressortissants tunisiens auraient ainsi été recrutés par des groupes extrémistes en Syrie et en Irak. Les combattants originaires du Maroc seraient quant à eux entre 1200 et 1500, contre environ 200 natifs d'Algérie. L'autre raison qu'évoque IRIN est la sécurisation des frontières à laquelle l'Etat accorde une grande importance eu égard au budget annuel consacré au département de la Défense. L'Algérie débourse, effectivement, plus de 10 milliards de dollars pour ce secteur. Considérée comme étant le principal importateur d'armes en Afrique, l'Algérie déploie, en outre, des moyens humains importants. Le service national de sécurité emploie plus de 209 000 personnes, contre 46 000 au Maroc et 143 000 en France. «L'armé est devenue une force importante», a dit Mme Ghanem-Yazbeck, et d'estimer qu'«avec la police, la gendarmerie et les services de renseignements, elle a permis d'empêcher de nombreux Algériens de nouer des liens avec les terroristes (Daech Ndlr)». Une fois de plus, constate-t-on à IRIN, c'est les années noires que le pays a traversées qui ont permis au gouvernement d'acquérir une précieuse expérience pour prévenir la montée de l'extrémisme. Cependant, tout n'est pas gagné, confie-t-elle à IRIN.