Au moment où l'affaire de la restitution des crânes des combattants algériens, conservés en France, revient au devant de la scène, c'est de Paris que vient la surprise : «L'Algérie n'a pas introduit de demande officielle» ! Le propos peut paraître comme un simple détail de procédure. Mais, que les autorités officielles ignorent les démarches et se contentent de suivre les appels d'associations et d'organisations dans leur quête à récupérer les restes des résistants tués lors de l'occupation française de l'Algérie en 1830, et conservés aujourd'hui au Musée de l'homme à Paris, il y a bien lieu de se douter du sérieux avec lequel l'affaire est traitée. «La France attend toujours la demande officielle de l'Algérie», a déclaré, vendredi, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. Romain Nadal qui s'exprimait lors du point de presse hebdomadaire du Quai d'Orsay, a fait savoir que la procédure législative est déclenchée une fois la demande officielle introduite, évoquant la loi du 18 mai 2010 sur la restitution. Cette loi établit, en effet, la procédure de la restitution des biens à l'étranger, suite à leur déclassement du patrimoine français. Une fois la demande formulée, la commission scientifique nationale (française) des collections interviendra dans le processus et remet au Parlement son avis sur le déclassement et la cession des biens. Hélas, il se trouve que l'Algérie n'a fait aucun pas dans ce sens, alors que le ministre des Moudjahidine ne rate aucune occasion pour dire aux Algériens que l'Etat prend en charge le dossier. En visite à Oran, en juillet, Tayeb Zitouni avait déclaré que l'affaire connaît une entrave juridique. «La France doit revoir ses textes juridiques qui stipulent que ces crânes font partie de son patrimoine, alors qu'il s'agit de moudjahidine qui ont contribué à la Révolution algérienne. Une demande officielle leur a été adressée afin que ce qui reste de ces hommes, au parcours digne, soit enterré avec tous les honneurs», avait soutenu le ministre, expliquant que la démarche était menée par le ministère des Affaires étrangères et l'ambassade d'Algérie en France, en étroite collaboration avec son département. Qui de Zitouni ou de Romain Nadal dit alors vrai ? Quoi qu'il en soit, la France et l'Algérie coopèrent dans un «climat de confiance», à en croire les propos de Nadal. Relancée par une pétition du maître de conférences algérien à l'Université de Cergy-Pontoise, Brahim Senouci, dans laquelle est demandé le rapatriement de ces crânes «pour recevoir une digne sépulture» dans leur pays, l'affaire a vite soulevé l'adhésion de l'élite, notamment d'historiens, mais aussi d'organisations et d'associations nationales. Dans une tribune signée en juillet au journal Le Monde, Mohammed Harbi, Benjamin Stora, Olivier Le Cour Grandmaison, Gilles Manceron et Alain Ruscio ont souligné leur vœu de «contribuer à sortir de l'oubli l'une des pages sombres de l'histoire de France, celles dont l'effacement participe aujourd'hui aux dérives xénophobes qui gangrènent la société française». Ces restes mortuaires, des crânes secs pour la plupart, appartiennent, entre autres, à Cherif Boubaghla, Cheikh Bouziane, chef de la révolte des Zaâtchas (région de Biskra en 1849), Moussa Eddaerkaoui, Si Mokhtar Ben Kaddour Ettitraoui, Aïssa El Hamadi Mohamed Ben Allal Moubarek (bras droit de l'Emir Abdelkader).