Habitués à puiser dans un discours alarmiste, qui ne fait pourtant plus recette, certains de nos responsables, quand les arguments viennent à manquer, ne trouvent décidément pas meilleure parade à leur échec que de crier au complot et aux multiples dangers qui guettent le pays. C'est l'exercice abusif pour lequel le patron de la centrale syndicale, Abdelmadjid Sidi Saïd, s'est adonné jeudi, depuis Oran. Le premier «syndicaliste» du pays, semble-t-il inquiet pour l'avenir du pays, est monté au front et s'en est pris à ceux qui seraient tentés, selon lui, de porter atteinte à la stabilité du pays. Qui seraient-ils ? Pas un seul mot. Le secrétaire général de l'UGTA préfère se passer de la précision et rester dans le vague. «Nul n'a le droit de se livrer à des actes mettant en péril la stabilité chèrement acquise par le peuple algérien», s'est-il contenté de dire, lors de l'ouverture d'une réunion des membres du secrétariat national et des secrétaires généraux des unions de wilaya de son organisation, en présence du ministre des Travaux publics et des Transports, Boudjemaâ Talaï. Et de renchérir : «La paix et la stabilité, c'est une ligne rouge pour nous tous». Ce message porteur de menaces, nous le devinons, s'adresse aux syndicats autonomes mobilisés et déterminés à mener jusqu'au bout la bataille de la retraite. A tort ou à raison. Abdelmadjid Sidi Saïd ne le dit pas franchement mais ses propos sont destinés aux travailleurs et travailleuses mobilisés contre la suppression de la retraite anticipée, décidée par le gouvernement. Une mesure que les pouvoirs publics comptent mener jusqu'au bout pour sauver la Caisse nationale des retraites, frappée d'une crise sans précédent et qui risque de faire faillite, selon les responsables, d'ici quelques années, si rien n'est fait. Avant la curieuse sortie médiatique de Sidi Saïd, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a estimé, pour sa part, que c'est tout à fait «normal» de voir les autorités concernées proposer un projet de loi sur la retraite. Plus pondéré que le patron de l'UGTA, Sellal rappellera, en guise d'argument, que durant les années 1990, il y avait une demande pressante du FMI pour réduire les années de travail pour la création de nouveaux postes d'emploi. «Mais aujourd'hui, la situation a changé, d'autant que la Caisse nationale des retraites accuse un déficit pour la troisième année consécutive et elle bénéficie d'une aide à chaque fois». «Il est, de ce fait, impossible de continuer dans cette optique», a-t-il précisé dans une déclaration à la presse, en marge de l'ouverture du Salon international du livre d'Alger (Sila). S'adressant aux syndicats engagés dans un bras de fer avec les autorités, Sellal dira : «Nous n'avons aucun problème avec les syndicats». Et de rassurer : «En cas d'adoption du projet de loi relatif à la retraite, il y aura un débat dans chaque secteur entre le ministère et les syndicats sur les modalités de son application, d'autant qu'il existe des métiers pénibles où on ne peut pas demander au travailleur d'aller jusqu'à 60 ans». Réactions Lyes Merabet, président du SNPSP : «Le patron de l'UGTA ne sait pas sur quel pied danser» «Abdelmadjid Sidi Saïd n'est pas à sa première sortie du genre. Il nous a habitués, à chaque fois qu'il est acculé par la mobilisation des travailleurs, à sortir les mêmes vieux arguments qui n'ont aucun fondement. Il est de ce fait égal à lui-même. Le patron de l'UGTA ne sait pas sur quel pied danser. Il dit ce qu'on lui demande de dire. Il est de ce point de vue tout à fait dans son rôle. Il l'ignore peut-être mais derrière les syndicats autonomes, il y a, avant tout, des travailleurs et travailleuses soucieux de préserver leur dignité. Il faut peut-être rappeler que cette même UGTA a poussé des centaines de travailleurs et de cadres à la sortie. Tous ceux qui ne sont pas avec eux sont contre eux. C'est de cette façon qu'ils fonctionnent. Les déclarations sans fondement du patron de l'UGTA s'inscrivent dans la même logique d'un gouvernement qui a échoué dans toutes ses réformes et qui se trouve aujourd'hui en panne de solution et dos au mur. Ce que Sidi Saïd a dit, n'aura aucun impact sur notre mouvement et notre mobilisation.» Meziane Meriane, Snapest : «L'activité syndicale n'est pas une source d'instabilité» «Personne ne pourra nous donner des leçons de nationalisme. Nous serons les premiers à défendre notre pays. L'activité syndicale n'a jamais été une source d'instabilité pour le pays. Bien au contraire. Critiquer le gouvernement dans certains de ses choix et décisions reflète notre attachement à la nation. La ligne rouge c'est Abdelmadjid Sidi Said qui vient de la dépasser en tenant de tels propos. Il est tombé dans un amalgame. Il ne faut pas juxtaposer l'activité politique du gouvernement à l'Etat-nation. Le gouvernement peut partir mais l'Algérie demeurera éternelle.»