«Le dialogue social et la mise en place de la tripartite sont des instruments qui œuvrent au développement national, à la relance économique... Cette relance a pu se concrétiser dans notre pays dans le cadre de la tripartite, qui est devenue une garantie du gouvernement envers les travailleurs. Le consensus qui en a découlé est un facteur de stabilité sociale, économique et politique.» Ainsi s'exprimait M. Abdelmadjid Sidi Saïd, le secrétaire général de l'UGTA, à l'ouverture du 10e congrès de l'organisation syndicale de l'Unité Africaine (OUSA). ça ne devrait pas échapper à beaucoup de monde, les syndicats africains en congrès doivent avoir autant de choses à partager que l'organisation «mère» dont ils sont l'heureuse inspiration politique. Pour une organisation censée être un vaste espace de rassemblement politique et d'intégration économique, charrier dans son sillage un regroupement syndical renseigne déjà sur sa nature. Mais pour qu'il n'en soit pas ainsi, il aurait fallu certainement que l'OUA, puis l'UA soit l'émanation souveraine de pays démocratiques, avec un projet commun, puisé dans la conviction qu'on a un destin... commun. Or, l'organisation de l'unité africaine, près d'un demi-siècle après sa création dans la foulée et l'euphorie post coloniales, en est encore au stade velléitaire. Sans projet politique, sans force de dissuasion et sans puissance économique, elle a fonctionné avec les structures «indispensables» à l'essentiel de son action : la permanence protocolaire et la solidarité des régimes. C'est donc naturellement que les «penseurs» de l'organisation ont... pensé à introduire une excroissance «syndicale» continentale dans «leurs structures». Une sorte d'«organisation de masse» à l'algérienne qui mobilise les «travailleurs» à l'échelle du continent pour relayer dans un monde ouvrier fantasmatique les discours populistes et les guerres toujours gagnées, d'être menées contre les moulins à vent. Plus d'un demi-siècle après, ça n'a pas vraiment changé, en dehors de l'appellation. Sinon les syndicats africains auraient découvert que l'émancipation des travailleurs dans le cadre des luttes communes se fait d'abord dans le droit à la liberté d'organisation et d'action... syndicales. En commençant par exemple par s'affranchir de leurs régimes qui, le moins qu'on puisse dire, ne sont pas des exemples de liberté et de démocratie. Et se réunir donc loin des conclaves politiquement réglés comme du papier à musique, avec l'autonomie de parole et des moyens, sans laquelle toute entreprise syndicale fait toujours sourire. A ce moment-là, M. Abdelmadjid Sidi Saïd serait vraiment mal inspiré de parler de liberté syndicale dans un pays où les syndicats autonomes attendent toujours d'être agréés, où l'UGTA est toujours en situation de monopole du partenariat social, où il n'y avait pas un seul syndicat autonome... convié au congrès des syndicats africains ! Et la tripartite, que le secrétaire général de l'UGTA présente à ses partenaires du continent comme un modèle de dialogue social aurait enfin intégré ces mêmes syndicats dans les négociations avec le gouvernement et le patronat. Mais il n'y a pas plus de dialogue social que de liberté syndicale, pas plus de patrons et de gouvernement soucieux du développement de l'entreprise et de la justice sociale. En fait de «modèle», la tripartite est un rendez-vous protocolaire pour entériner des décisions politiques en matière de salaires que dicte la conjoncture. Et en la matière, les syndicats africains n'avaient peut-être pas besoin de se déplacer à Alger pour prendre l'exemple. Ils ont les leurs, puisque l'UA est partout. Avec les moyens de chaque pays, il est vrai.